Quand la science devient pseudo-science (3)

par Urmi Ray

Lisez la deuxiéme partie de cet article

3. De la science au dogme

Rester sur la voie scientifique demande prudence. Il est facile de s’en écarter.

Il ne faut cependant pas confondre des erreurs sincères avec une quelconque dogmatisation. C’est par l’erreur qu’on avance d’autant plus qu’à chaque époque, dans chaque culture, la science est tributaire par les pensées et les techniques d’observation existante. Ainsi, c’est interpréter la physique newtonienne de manière anachronique que de lui appliquer notre compréhension actuelle et de la considérer comme faussée. Elle reste suffisamment satisfaisante pour certains phénomènes courants du moment que les vitesses impliquées sont bien inférieures à celle de la lumière.

Cela dit, la nature de la science a été très bien estimée depuis des millénaires, par exemple par certaines écoles de pensées dans l’Inde ancienne. Elle a aussi fait l’objet de discussions passionnées au tournant du 20e siècle lorsque les problématiques du positivisme étaient devenues claires. Donc, la déformation de la science moderne en dogme est facilitée par ses faiblesses intrinsèques, mais pour la comprendre, il faut la placer dans le contexte économique.

Or au 19ème siècle, on a transformé le capitalisme marchand en capitalisme financier. La perspective de maximisation du profit qui s’est peu à peu mise en place exige une croissance matérielle incessante, et donc une production toujours plus efficace.

Par conséquent, la technologie doit s’appuyer sur des recherches avancées pour accroître l’efficacité, générant des modifications incessantes et croissantes de notre environnement. Celui-ci devient de moins en moins adapté à la vie humaine. Le fait qu’une chose semble temporairement réalisable ne garantit pas sa compatibilité avec le maintien des conditions nécessaires à la vie humaine à moyen et long terme, ni même à court terme : les problèmes de santé et d’environnement ont rapidement suivi et n’ont cessé d’augmenter. Puis, un stade a été atteint où, pour maintenir le cap, la recherche a perdu de plus en plus sa nature scientifique et en est venue à trahir la science elle-même.

En d’autres termes, la science s’est transformée en pseudo-science. Il s’agit d’un ensemble de principes qui se réclament de la science, mais qui n’en présentent pas les caractéristiques, en particulier qui ne reposent pas sur un raisonnement fondé sur l’observation, reproduite et reproductible. Il s’agit donc d’une croyance.

Les recherches actuelles peuvent trop souvent être qualifiées de telles. L’ampleur des dérives est difficile à mesurer car une condition de base – la transparence – sans laquelle il ne peut y avoir de science, car les conclusions restent invérifiables, est aujourd’hui communément ignorée, sous couvert de concurrence ou de secret d’État.

Selon Richard Horton, rédacteur en chef du prestigieux Lancet, « une grande partie de la littérature scientifique, peut-être la moitié, pourrait être tout simplement fausse. Affligée par des études portant sur des échantillons de petite taille, des effets minuscules, des analyses exploratoires invalides et des conflits d’intérêts flagrants, ainsi que par l’obsession de suivre des tendances à la mode d’importance douteuse, la science a pris un virage vers l’obscurité ».

Des conclusions infondées

Prenons deux exemples.

1) Sur la base d’hypothèses et d’une théorie purement mathématique, il avait été extrapolé à partir d’expériences menées avec des rayonnements électromagnétiques (REM) « dans les bandes visibles, ultraviolettes et des rayons X », c’est-à-dire avec des « fréquences supérieures à la limite inférieure de l’infrarouge », que tous les REM sont quantifiés, c’est-à-dire constitués de photons. Ce n’est qu’en 2015, qu’on a expérimentalement vérifié cette affirmation et trouvé qu’elle était erronée pour les REM inférieurs à la limite inférieure de l’infrarouge, ce qui inclut tous les REM dûs à nos antennes – une raison pour laquelle ces rayonnements sont préjudiciables à la santé humaine.

2) La thèse virale est aussi une hypothèse. Contrairement au cas de la quantisation du REM venant des antennes, elle n’a pas été prouvée fausse. [En fait, les travaux de Stefan Lanka – qui a notamment eu recours à des expériences de contrôle – tendent à nettement démontrer (depuis quelques années) la fausseté de la théorie virale. Voir le dossier Vaccins et virus, ndlr.] Mais aucune particule n’a jamais été observée d’abord dans l’air, puis entrant dans le corps, et devenant la source d’une maladie. Le virus demeure donc de l’ordre du concept. Est-ce une hypothèse utile ? Peut-être les unicornes ou les fantômes seraient des hypothèses utiles pour expliquer certains phénomènes. Mais une conclusion scientifique doit être fondée sur l’observation reproductible, et ce n’est certes pas le cas. Et donc on peut développer le concept d’un anti-virus, tel un vaccin. Mais on ne peut en aucun cas fabriquer matériellement un vaccin contre quelque chose dont l’existence matérielle n’est pas prouvée. Et on ne peut élaborer des politiques sur des hypothèses qui demeurent invérifiées à ce jour. Le débat sur la pertinence de telle ou telle hypothèse doit rester interne au monde scientifique, et c’est ainsi que nous évoluons dans notre compréhension.

Les tentations financières

La recherche est désormais pleinement ancrée dans le capitalisme de marché, qu’elle a d’abord rendu possible et continue de rendre possible. Les gains financiers sont devenus un motif principal dans une culture où de plus en plus de chercheurs créent eux-mêmes des entreprises privées pour exploiter financièrement leurs résultats.

Suite à des politiques délibérées visant à transférer le financement de la recherche des organismes publics aux organismes privés, de nombreux membres de la hiérarchie de la nouvelle Église du scientisme sont des bénéficiaires personnels des largesses de divers groupes d’intérêt. La corruption est désormais endémique et les conflits d’intérêts compromettent sérieusement les activités de recherche. Seuls les conflits directement liés à un travail donné doivent être divulgués, à savoir tout financement direct qui pourrait influencer ses conclusions. Cette obligation est facilement contournée : les faveurs peuvent prendre de nombreuses formes, de la nomination en tant que consultant à la participation à des conseils d’administration d’entreprises. Lorsque les généreux donateurs des universités, des laboratoires de recherche et des sociétés scientifiques incluent certains des conglomérats multinationaux les plus puissants, tout travail effectué dans leur enceinte peut-il être vraiment désintéressé ?

De la connaissance à la production

Cette corruption va de pair avec la transformation des objectifs de la science depuis le tournant du 20e siècle afin de se plier aux exigences d’un capitalisme financiers : de comprendre, l’objectif est devenu produire. Le début du 20e siècle a vu l’émergence du chercheur-technologue, tout d’abord en chimie, puis en physique, et depuis en biologie.

Cet asservissement de la recherche à l’idéal économique est notamment entretenu par une culture de prix. Celle-ci a été initiée par un industriel de premier plan du complexe militaro-industriel naissant, Alfred Nobel, précisément au moment où le contrôle de la recherche devenait indispensable. Elle contribue à mettre en avant les individus et les sujets qui se consacrent à cet idéal. La forte subjectivité qui sous-tend les décisions est occultée puisque, contrairement à la science, le nouveau credo de la pseudo-science professe une objectivité dépourvue de valeurs.

Cela ne veut pas dire que des œuvres d’exception ne sont jamais reconnues à leur juste valeur. Mais il est préférable qu’elles contribuent au maintien des objectifs économiques. Einstein n’a reçu le prix Nobel que pour ses travaux sur les effets photoélectriques.

Mais les prix ont contribué à l’ascendant qu’a pris la pseudo-science puisque c’est elle qui peut soutenir la production.

Par exemple, l’un des premiers prix Nobel (en chimie) a été attribué à Fritz Haber pour la synthèse de l’ammoniac. Or la méthode de production des molécules artificielles ne reproduit pas le processus naturel et donc leur géométrie diffèrent de leurs équivalents naturels. L’approche scientifique correcte aurait donc été d’étudier leur impact sur l’environnement et la santé humaine.

Marie Curie a eu le prix deux fois et donc il serait normal de croire selon le critère du prix que ses travaux sont plus importants que ceux d’Einstein. Ils le sont certes du point du vue du profit. Son objectif était circulaire : étudier les propriétés de la radioactivité pour accroître incessamment la production. Toutes les tragédies liées à ces travaux étaient pour développer la radiothérapie comme traitement du cancer. Or, ici aussi nous avons un schéma circulaire : l’application de radiations pour soulager une maladie qui était relativement rare comparée à d’autres maladies et dont elle a contribué à augmenter la prévalence.

Marie Curie

De plus en plus, la recherche est devenue une affaire de machines colossales exigeant un financement colossal dans une poignée de sites colossaux. Donc elle est basée sur des expériences ponctuelles qui ne sont pas reproductibles à volonté, ne serait-ce qu’en raison de l’infrastructure nécessaire. Cette dépendance excessive à l’égard de la technologie nous fait oublier que les processus créés artificiellement dans les laboratoires peuvent très bien ne pas correspondre à leurs équivalents réels.

Par exemple, dans les années 1950, on a découvert dans des conditions créées en laboratoire que de la matière organique pouvait émerger de ce que l’on pourrait décrire grossièrement comme une soupe de méthane. En raison de ce succès, on a oublié que cela n’implique pas que c’est ainsi que les choses se sont passées. Et en effet, la première étude expérimentale visant à reconstituer cette atmosphère primitive sur la base de preuves empiriques réelles, réalisée en 2011, indique qu’au contraire, elle ne pouvait pas être aussi pauvre en oxygène qu’on le pensait.

Une inversion de la relation entre les mathématiques et la science

La prise de contrôle progressive de la science par la pseudo-science se reflète dans le renversement progressif de la relation entre la science et les mathématiques.

Avec l’importance croissante de la production industrielle, les mathématiques ont acquis une plus grande primauté au sein de la science car c’est par le mesurable que la science peut-être convertie en technologie.

La première grande étape a été la naissance de l’informatique dûes aux exigences de la technologie lorsque la physique et les mathématiques et la technologie ont été amalgamés en un seul domaine. Cette synthèse s’est certes avérée très constructive, mais comme elle a été réalisée dans une perspective de profit, elle a également contribué à maintenir sa maximisation. Dans ce processus, les mathématiques ont discrètement pris la place du conducteur.

Les applications mathématiques dépendent de notre objectif et ne sont pas limitées par la nécessité de se conformer à la réalité, contrairement à la science. Ainsi, le fait de céder le leadership aux mathématiques a largement contribué à l’émergence de la pseudo-science. Ce renversement est aussi la consécration de la perspective matérialiste puisque les mathématiques ne peuvent pas prendre en compte le facteur de la vie.

La seconde étape a été la création de la bio-ingénierie, un des secteurs dont la croissance est des plus rapides. On en est venu à considérer la vie comme un immense ordinateur dont les programmes sous-jacents peuvent être transformés à volonté. Ainsi, la vision mécaniste de la nature a été adaptée à la nouvelle phase technologique dans laquelle nous sommes entrés.

Les mathématiques via l’informatique mène maintenant son processus au stade final, où l’intelligence y est réduite à une quantité mesurable et la connaissance à des flux d’informations, c’est-à-dire à l’intelligence artificielle qui au final doit nous conduire au transhumanisme – la fusion totale de la vie avec la machine au poste de pilote.

Il y a cependant une erreur de base avec une virtualité fabriquée par une machine qui nie notre réalité donnée. Les « réalités » n’étant pas des « fantômes », l’écrivain Charles Dickens a prévenu qu’il y avait « un plus grand danger de les voir s’engouffrer » tôt ou tard.

Lisez la quatrième partie de cet article

 

yogaesoteric
29 novembre 2022

 

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