Une traduction de « L’Enfer » de Dante, amputée de son allusion à Mahomet, fait polémique

Cette version du texte en néerlandais a été pensée pour « ne pas blesser inutilement ». Le style a été adapté pour être plus accessible, notamment auprès des jeunes et quelques coupes ont été faites.

La nouvelle traduction néerlandaise de L’Enfer de Dante ne passe pas. Le texte, pensé pour être plus accessible aux jeunes lecteurs, a été amputé de sa référence au prophète Mahomet afin de « ne pas blesser inutilement », comme le raconte Courrier International. Cette décision prise à titre préventif est décriée depuis la diffusion d’une émission sur la station belge Radio 1. L’une de ses invités était Lies Lavrijsen, la traductrice signant De Hel, la nouvelle mouture néerlandaise du texte de Dante éditée par la maison Blossom Books. Le texte datant du XIVe a été traduit « comme si Dante était un slameur des XIIIe et XIVe siècles », indique Radio 1 sur son site.

Plus que cette réécriture assez audacieuse du texte, c’est un passage bien précis qui suscite la polémique. Lies Lavrijsen l’a résumé sur Radio 1 : lorsque Dante pénètre dans l’Enfer, il en visite les neuf cercles concentriques. Il rencontre alors les nombreuses personnes – dont certaines sont des figures historiques – qui y sont châtiées en raison de leurs péchés. Arrivé au huitième cercle, le poète rencontre le prophète Mahomet, puni « parce qu’en diffusant sa religion il aurait semé la discorde sur la Terre » rapporte le quotidien belge De Standaard. Ce passage a ainsi été partiellement amputé dans la nouvelle traduction.

« De tous les pécheurs qui figurent dans L’Enfer, il est décrit de la façon la plus atroce et dénigrante,justifie la traductrice au micro de Radio 1. Le but de l’éditeur était de rendre L’Enfer accessible à un public le plus large possible, et notamment le public jeune, et on savait que si on laissait ce passage tel quel on aurait blessé inutilement une grande partie des lecteurs. » Le passage a été conservé, mais le nom de Mahomet en a été supprimé. La traductrice ajoute que ce retrait a été décidé de concert avec l’éditeur, dans un contexte crispé par l’assassinat de Samuel Paty.

Mais la décision est décriée tant auprès des auditeurs de l’émission que de ceux qui y ont réagi les jours suivants, observe De Standaard. « Beaucoup jugent qu’il s’agit d’une intervention dénigrante à la fois vis-à-vis des musulmans, mais aussi des jeunes lecteurs, dont on suppose qu’ils ne sont pas capables de remettre un livre du XIVe siècle dans son contexte », écrit le quotidien belge De Standaard.

« Un drôle de choix »

« C’est un drôle de choix », réagit une traductrice là encore dans De Standaard. « Pour moi, c’est de la censure, ajoute Peter Vestegen, auteur d’une précédente traduction de Dante. « La Divine Comédie » est un chef-d’œuvre sacro-saint, on ne peut pas le découper comme ça. Aux Pays-Bas, on ne me l’a jamais demandé. C’est vrai que, dans le cas d’une adaptation, on a plus de liberté, mais alors il faut indiquer sur le livre qu’il s’agit d’une adaptation et pas d’une traduction. En tout cas, personne n’a demandé cette capitulation. »

Ce geste revient à « s’incliner pour éviter des problèmes qui ne seraient très probablement jamais survenus », déplore quant à lui l’écrivain Abdelkader Benali. L’auteur de nationalités marocaine et néerlandaise explique avoir étudié des traductions modernes du texte en arabe. Résultat, les traducteurs ont conservé le passage en l’état, « souvent avec des notes de bas de page expliquant qu’il s’agit d’un auteur littéraire et d’une scène qu’il faut replacer dans son époque et son contexte politique ».

 

yogaesoteric
1 février 2022

 

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