Tout le fer utilisé par l’homme à l’âge du bronze était d’origine extraterrestre
D’après une étude réalisée par un chercheur français, les objets en fer les plus anciens semblent tous avoir été forgés à partir de météorites métalliques.
Les météorites métalliques ont servi à forger des objets de valeur pendant l’âge du bronze.
Les hommes n’ont pas attendu l’âge du fer (entre 1200 et 800 ans avant J-C en fonction des régions) pour fabriquer des objets en fer. Les archéologues ont retrouvé au moins une centaine d’artefacts forgés dans ce métal plusieurs siècles avant qu’il ne devienne commun. Les hommes maîtrisaient-ils donc déjà des techniques primitives d’extraction du fer à partir de son minerai à l’âge du bronze ? Cela semblait peu vraisemblable. Mais quelle autre explication fournir ?
La dague en fer retrouvée dans le tombeau de Toutankhamon.
Il suffisait en fait de détourner son regard du sol pour le tourner vers les étoiles. Il avait déjà été démontré que plusieurs objets célèbres, tels la dague de Toutankhamon, retrouvé dans le tombeau du plus célèbre des pharaons, avaient été forgés à partir de météorites métalliques. Il s’agissait donc de fer extraterrestre, au sens premier du terme. « Peut-on étendre ce résultat à l’ensemble des objets en fer retrouvés à cette époque? C’est la question que je me posais depuis une dizaine d’années », explique Albert Jambon, expert des météorites à l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (CNRS/UPMC/IRD/Muséum national d’Histoire naturelle).
Le fer des météorites est riche en nickel
Une technique non-destructive, la spectrométrie de fluorescence X, permet aujourd’hui de trancher, selon une étude publiée par le chercheur dans l’édition de décembre de Journal of Archeological Science. Ce dernier a lui-même passé au crible quelques objets en fer datant de l’âge du bronze grâce à un appareil portable. « Cela pèse 1,5 kilo et tient dans une valise. Je peux l’amener dans les musées pour faire mes analyses. Le véritable problème consiste à retrouver la trace de ces artefacts, évoqués dans de vieilles publications et souvent mal inventoriés. » D’autres confrères ont pu mener à bien des analyses similaires sur d’autres objets, notamment les artefacts égyptiens, souvent difficiles d’accès.
La dague d’Alaca Höyük est vieille de plus de 4500 ans.
Au final, une dizaine de pièces ont ainsi été passées sous ces rayons X pour être analysés, parmi lesquels : des perles en fer retrouvées à Gerzeh (Égypte, -3200 av J-C), une dague découverte à Alaca Höyük (Turquie, -2500 av J-C), un pendentif d’Umm el Marra (Syrie, -2300 av J-C), une hache d’Ugarit (Syrie, -1400 av J-C), plusieurs haches de la dynastie Shang (Chine, -1400 av J-C), mais aussi la dague, le bracelet et l’appuie-tête de Toutankhamon (Égypte, -1350 av J-C).
Pour ces objets, Albert Jambon disposait ainsi de chiffres « propres » sur leur teneur en fer, en nickel et en cobalt en différents points. « La plupart des objets analysés contiennent plusieurs pourcents de nickel, ce qui démontre assez clairement leur origine météoritique », assure-t-il. Au moment de la formation de la Terre, la plupart du nickel a en effet migré vers le noyau de notre planète. Le minerai de fer que l’on retrouve en surface est donc assez pauvre en nickel. Les météorites, elles, sont au contraire des vestiges du matériel primitif qui a formé les planètes. Lorsqu’elles sont métalliques, elles sont souvent relativement riches en nickel.
« On pense que le fer coûtait au moins dix fois le prix de l’or pendant l’âge du bronze » Albert Jambon, spécialiste des météorites.
Le chercheur français ne s’est pas arrêté là. Quelques objets faisaient encore débat. « Le problème, c’est que le fer rouille », explique le spécialiste. « Et lorsqu’il rouille, il perd préférentiellement son nickel. » Le phénomène s’observe d’ailleurs sur des météorites rouillées. Ce n’est pas pour autant qu’il est impossible de détecter une signature « météoritique ». Il suffit de se pencher sur un deuxième rapport : celui entre le nickel et le cobalt. Magie : les taux observés dans les météorites sont les mêmes que ceux observés dans les objets de l’âge du bronze.
Albert Jambon analyse la météorite métallique de Morasko à l’université de Poznan, en Pologne. Elle sera une des références pour déterminer l’origine météoritique des objets en fer de l’âge du bronze.
« On pense que le fer coûtait au moins dix fois plus cher que l’or », rappelle Albert Jambon. « Ce n’est pas un hasard si un pharaon comme Toutankhamon était enterré avec des objets en fer. » Pour quelles raisons ce métal était-il si prisé ? Après tout, il est moins noble que l’or, il ne brille pas beaucoup et s’abîme facilement… « Si l’idée que les météorites provenaient de l’espace fut difficile à accepter au XVIIIe siècle, les antiques eux l’avaient déjà bien compris. Les météorites véhiculaient donc une symbolique forte qui, conjuguée à leur rareté, leur conférait une grande valeur. » Raison pour laquelle tous les objets en fer de l’âge du bronze servaient généralement à la fabrication de bijoux ou d’armes finement ouvragées.
Le développement de techniques permettant d’extraire le fer à partir de minerai en le chauffant (et en frappant dessus) a peu à peu rendu obsolète l’usage des météorites. Tous les objets en fer retrouvé peu après la fin de l’âge du bronze ne présentent ainsi plus cette signature météoritique. C’est le début de l’âge du fer.
yogaesoteric
16 janvier 2020
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