Washington et Tel-Aviv cherchent à profiter de la tension en Asie du Sud

Selon Abdel Bari Atwan, les États-Unis et Israël cherchent à profiter de la tension militaire entre l’Inde et le Pakistan pour déstabiliser l’Asie du Sud et transférer le conflit dans cette partie du monde où coexistent deux pays détenteurs d’armes nucléaires.

Des soldats indiens à la frontière avec le Pakistan

Dans une note publiée par le journal Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan a examiné la crise entre l’Inde et le Pakistan, ainsi que le rôle que Washington et Tel-Aviv jouent ensemble pour aggraver la tension en Asie du Sud.

Selon l’éditorialiste de Rai al-Youm, le gouvernement pakistanais a réussi à contrôler partiellement la tension dans ses relations avec son voisin indien, car les forces pakistanaises sont parvenues à capturer puis ont relâché le pilote d’un avion indien abattu le 26 février au Cachemire. Les avions de l’armée de l’air indienne ont frappé le même jour une base du groupe extrémiste Jaysh-e-Mohammad, auteur d’un attentat-suicide au Cachemire sous contrôle indien contre un convoi de l’armée indienne, le 14 février, tuant plus de quarante personnes.

Atwan rappelle que plusieurs pays ont proposé leur médiation entre New Delhi et Islamabad, alors que les États-Unis se sont contentés d’appeler les deux parties à la retenue.

Tandis qu’Islamabad se dit prêt à accepter une médiation russe, turque ou iranienne, le gouvernement indien préfère, avec prudence, ne pas laisser un pays tiers s’immiscer dans cette affaire. Le ministère indien des Affaires étrangères a annoncé que New Delhi n’avait pas besoin de la médiation d’un pays tiers, étant donné qu’il existait des contacts entre l’Inde et le Pakistan. « La balle est dans le camp du Pakistan. Les Pakistanais doivent prouver qu’ils ont la volonté et la puissance de prendre des mesures sérieuses contre les groupes terroristes sur leur territoire », a déclaré la ministre indienne des Affaires étrangères, Sushma Swaraj.

D’après Abdel Bari Atwan, les États-Unis et le régime israélien cherchent à profiter de la tension militaire entre l’Inde et le Pakistan pour déstabiliser l’Asie du Sud et transférer le conflit dans cette partie du monde où coexistent deux pays détenteurs d’armes nucléaires.

« Washington veut profiter de la situation actuelle pour exercer plus de pression sur le gouvernement pakistanais afin qu’Islamabad et le puissant service de renseignement de l’armée pakistanaise (ISI) mettent fin à leur soutien aux talibans en Afghanistan », a écrit Atwan. Dans le même temps, la Maison-Blanche souhaite obtenir la collaboration d’Islamabad dans le cadre des négociations avec les talibans en cours à Doha, capitale du Qatar.

Atwan estime que le régime israélien cherche, à son tour, à profiter de la crise en Asie du Sud pour amener l’Inde à acheter plus d’armements et d’équipements militaires à Tel-Aviv. En effet, Israël souhaite qu’une part plus importante du budget militaire de l’Inde finisse directement dans ses caisses. La visite de Narendra Modi à Tel-Aviv en juillet 2017 était la première d’un Premier ministre indien en Palestine occupée ; et en janvier 2018, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a visité New Delhi, une première pour un chef du gouvernement israélien.

Armes. Pourquoi l’ombre d’Israël plane sur le conflit entre l’Inde et le Pakistan

La rhétorique « anti-islamiste » adoptée par l’Inde lors de son offensive aérienne éclair au Pakistan, le 26 février, n’est pas sans rappeler celle qu’emploie Israël à propos de Gaza, de la Syrie ou du Liban. Et pour cause, analyse Robert Fisk, journaliste britannique à The Independent, dans les colonnes du quotidien pakistanais Dawn : « Pendant des mois, Israël s’est affiché assidûment aux côtés du gouvernement nationaliste indien de Narendra Modi, au sein d’une alliance non officielle qui ne dit pas son nom et qui est politiquement dangereuse », visant à lutter contre les djihadistes, pendant que l’Inde devenait « le plus grand débouché au monde pour l’industrie de l’armement israélienne ».

Ce n’est pas « un hasard », dit-il, si la presse indienne a relayé haut et fort l’information en provenance de Delhi selon laquelle l’aviation indienne a largué sur un camp d’entraînement, qualifié de « terroriste », des « bombes intelligentes » de technologie Spice 2000 (Smart, Precise Impact, Cost-Effective), guidées par GPS et fabriquées par la société israélienne Rafael.

« De même que de nombreux Israéliens se vantent d’atteindre des cibles similaires, l’aventure indienne au Pakistan doit peut-être plus à l’imagination qu’un succès militaire », estime Robert Fisk, car « les ‘300 à 400 terroristes’ supposés avoir été éliminés par ces bombes pourraient ne s’avérer être guère plus que des rochers et des arbres. »

A contrario, « l’embuscade sauvage » dans laquelle étaient tombées les troupes indiennes au Cachemire, le 14 février, tuant plus de 40 soldats, « était bien réelle ». Tout comme le sera quelques jours plus tard « la destruction d’un avion de combat indien » par l’armée pakistanaise.

Si Israël viole les sanctions imposées au régime birman en continuant de vendre à celui-ci des chars d’assaut, des armes et des navires, il agit « en toute légalité » avec l’Inde et en fait d’ailleurs sa publicité. « En 2017, l’Inde a été le premier client d’Israël, achetant pour 616 millions d’euros de systèmes de défense aérienne, de radars et de munitions, y compris des missiles air-sol testés pour la plupart lors des offensives militaires israéliennes contre les Palestiniens et certaines cibles en Syrie », rappelle le journaliste.

Durant sa première visite officielle l’an dernier en Inde, qui avait été précédée par un déplacement inédit du Premier ministre indien Narendra Modi en Israël, le chef du gouvernement israélien, Benyamin Nétanyahou, a évoqué l’attaque terroriste perpétrée contre Bombay en 2008. « Les Indiens et les Israéliens ne connaissent que trop bien la douleur du terrorisme », avait répondu son hôte.

D’après Robert Fisk, « s’engager dans la “ guerre contre le terrorisme ” – en particulier le terrorisme islamiste – peut sembler naturel à deux États construits sur une partition coloniale, dont la sécurité est menacée par des voisins musulmans ». Or Israël, l’Inde et le Pakistan possèdent l’arme nucléaire. « Une bonne raison de ne pas laisser la Palestine et le Cachemire s’enchevêtrer », souligne-t-il. Et de ne pas oublier les 180 millions de musulmans qui vivent en Inde.

Israël impliqué aux côtés de l’Inde et du Pakistan

Dans le sous-continent indien, Israël se refuse à prendre parti et n’hésite pas à faire des affaires avec des entités opposées entre elles.

Ainsi, en 2009, Tsahal était à la fois le formateur de l’armée du Sri Lanka et des Tigres tamouls. Cependant, ce fut en définitive Colombo qu’il conseilla contre les Tigres lors du massacre de Puttumatalan (probablement 20.000 morts).

Il semble que la lune de miel du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avec son homologue indien Narendra Modi n’a pas empêché Israël de réactiver ses liens historiques avec le Pakistan, depuis l’élection du nouveau Premier ministre Imran Khan, le 18 août 2018.

Ceci alors même que le rapprochement israélo-indien s’est fait contre les musulmans, en rupture avec la ligne anti-impérialiste du pandit Nehru, qui soutenait les Palestiniens. Et alors que le rapprochement israélo-pakistanais ne peut être admis par les Pakistanais dont les prêcheurs enseignent qu’Israël est diabolique.

– En 2016, le journaliste Malik Shahrukh Zeeshan avait créé un Groupe d’amitié Israël-Pakistan.
– Le 25 octobre 2018, un avion israélien s’était rendu 10 heures à Islamabad, selon Haaretz. La presse avait alors évoqué une escale secrète de Benjamin Netanyahu lors de son voyage inopiné à Oman. Il se serait agi des suites du soutien financier accordé par l’Arabie saoudite (alliée d’Israël) au Pakistan. Le président pakistanais, Arif Alvi, avait immédiatement démenti l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays.
– Plusieurs sources locales évoquent, sans apporter de preuve, le rôle d’Israël dans l’opération terroriste du groupe jihadiste kashmiri Jaish-e-Mohammed à Pulwama (Inde), le 14 février. La libération sans condition du pilote indien abattu laisse entrevoir une possible action secrète israélo-pakistanaise.

yogaesoteric

20 octobre 2019 

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