Anneke Lucas, survivante du réseau belge : les élites pédophiles sont une réalité (1)

Anneke Lucas, une survivante du réseau pédophile belge devenue professeur de yoga aux Etats-Unis, a écrit un livre sur cette période de sa vie. Depuis quelques années, elle dénonce le système pédophile, les réseaux et le système de corruption qui va avec. Dans plusieurs interviews récentes, elle explique qu’elle continue à ajouter des pièces manquantes au puzzle de sa vie, et a compris très récemment à quel point ses tortionnaires étaient des gens puissants.

 
[Certains passages du texte ont été adaptés suite à un entretien avec Anneke Lucas]

Anneke Lucas raconte très bien cette sorte de routine, presque silencieuse, quand sa mère l’emmenait le soir dans diverses villas, manoirs, châteaux et autres appartements de luxe, parfois des bars, où des partouzes avaient lieu avec des gens du gratin. Sa mère n’avait pas un mot à dire : l’enfant savait ce qu’il allait se passer, d’ailleurs elle en était effrayée, et elle savait comment elle devait se comporter pour ne pas déplaire à sa mère.

« Aux orgies autour de Bruxelles, que ce soit dans des bars, des villas ou des châteaux, vous ne savez jamais ce qu’il peut arriver. L’atmosphère de Bruxelles était sanguinaire. Le réseau, parce que c’est ma réalité et que je dois le savoir, est une partie de l’ombre qui ne peut pas être connue », écrit-elle dans son livre.

Comme l’ont dit d’autres victimes de ce type d’abus, Anneke explique qu’elle avait tellement peur lors des violences, que son esprit se fixait sur un tas de détails, sur le trajet, sur les lieux des faits, sur les attitudes des pervers…

Dans le livre, l’auteure parle surtout des années 1973 et 1974, quand elle avait 10 et 11 ans, mais les abus graves ont commencé avant. Dans un message sur Facebook en novembre 2018, elle explique qu’à l’âge de 9 ans, elle a été amenée depuis la Suisse jusqu’à l’aéroport JFK à New York dans un jet privé, sans passer par la douane.

Elle écrit qu’elle a été envoyée ainsi sur la côte est des Etats-Unis, en Suisse, en Allemagne, en France, et bien-sûr en Belgique. Elle a été utilisée plus de cinq ans dans ce réseau, qu’elle a d’abord décrit comme une sorte de « club » très fermé d’hommes adultes où drogue et alcool circulaient à foison, et où « les enfants étaient une marchandise ».

Anneke Lucas est née en 1963. C’est une femme d’affaire belge, fondatrice du Liberation Prison Yoga (un organisme à but non lucratif fondé en 2014 visant à traiter par le yoga et la méditation les traumatismes physiques et psychologiques des personnes incarcérées).

« Mon pays d’origine est en train d’étouffer sous une lourde couverture appelée déni. Sous cette couverture, des enfants sont violés, torturés et tués. Cela affecte l’atmosphère du lieu. Les personnes sensibles se rendant sur place sentent que quelque chose ne va pas », écrit-elle sur son blog. Et c’est vrai, que l’ambiance nocturne de nombreux lieux en Belgique inspire la méfiance malgré une apparence à première vue « festive ». Ce décorum festif, parfois même se voulant un peu classe, dissimule à peine une réalité qui peut être absolument sordide.

Le même réseau que celui de l’affaire Dutroux

Anneke Lucas est donc née en Belgique en 1963, et les faits qu’elle décrit se passent au milieu des années 70. Elle évoque des personnages, des lieux qui sont également cités dans le tentaculaire dossier de l’affaire Dutroux. En fait, son témoignage permet d’observer le « réseau politico pédophilo affairiste » belge de l’époque sous un nouvel angle.

Anneke Lucas mentionne Braine l’Alleud, par exemple, Knokke, Anvers, Bruxelles ou Faulx-les-Tombes, où se trouve un château où diverses partouzes ont été organisées par Nihoul et sa bande à l’époque, et qui hébergeait aussi des groupes scolaires lors de « classes vertes ».

Elle cite aussi « Pépé », « le plus grand boss, le plus grand sadique, ministre, fumeur de pipe », qui était souvent présent lors des orgies et semblait avoir le dessus sur tout le monde. Cette description correspond à celle de « VDB » (Paul Vanden Boeynants), qui fut ministre de la Défense en 1974, proche de l’extrême droite et des réseaux de l’OTAN, cité également par Regina Louf et plusieurs témoins de l’affaire Dutroux. Elle parle encore d’un procureur général proche de « Pépé », ou encore d’un Italien croisé lors de quelques « soirées », qui s’appelait Giulio et n’est pas sans rappeler un certain Giulio Andreotti, premier ministre durant des lustres, membre de la loge affairiste P2 et proche de « VDB »…

Elle cite également un personnage qui semble correspondre à Jean-Michel Nihoul, le complice de Dutroux qui n’a été condamné que pour un trafic d’ecstasy et une association de malfaiteurs, mais qui n’a officiellement pas été relié aux enlèvements commis par Dutroux, cela au terme d’une interminable procédure saucissonnée et progressivement vidée de sa substance. Ledit Nihoul est mentionné par Anneke Lucas. Selon elle, comme selon différents témoins entendus dans le cadre de l’affaire Dutroux, il était présent dans les orgies, dans les années 70.

Anneke Lucas raconte ces soirées qui se déroulent, pour les pervers, comme des « jeux ». Par exemple, on lui demande, à 10 ans, lors d’une soirée, de « choisir » quel pervers va la violer en premier. Puis c’est Giulio qui la « choisit » et elle doit s’ « occuper de lui ». Apparemment, le type aimait se faire uriner dessus et les pratiques masochistes.

C’est lors d’une de ces soirées, quand elle avait 10 ans, qu’elle a croisé un jeune type âgé d’environ dix ans de plus qu’elle, membre du réseau. Une relation démarre, toujours, bien-sûr, dans la violence la plus totale, avec ce décalage surréaliste entre cette relation pédophile normalisée dans le réseau, mais qui selon nombre de citoyens devrait envoyer le pédophile en prison pendant au moins 20 ans.

Elle explique que cette « relation » posait un problème, car Anneke a été moins sollicitée pour les partouzes pendant quelque temps. Le jeune homme s’appelait Patrick, et il semble qu’il s’agit de Patrick Haemers, qui fut arrêté pour des braquages, puis pour avoir organisé l’enlèvement de Van den Boeynants, et trainait surtout dans le milieu des partouzes, selon des témoins de l’affaire Dutroux.

Haemers s’est notamment trouvé derrière la mise en œuvre de l’enlèvement en 1989 de Van den Boeynants, durant quelques jours. Un enlèvement qui selon Etienne Delhuvenne, l’avocat d’Haemers, était commandité par un homme d’affaires belge concurrent de VDB, qui aurait versé 5 millions de francs belges à Haemers. Delhuvenne a déclaré en janvier 2019, tout récemment donc, que le « suicide » de Patrick Haemers dans sa prison en mai 1993 arrangeait ce commanditaire et ses amis. On reprochait à Haemers une série de braquages, qu’il a dit ensuite avoir commis « pour des raisons politiques », un peu comme le gang des lyonnais en France.

Le père de Patrick Haemers, Achille, était un patron d’entreprises qui traînait dans les mêmes lieux de partouzes à Bruxelles que Nihoul et des policiers, magistrats et politiques proches ou impliqués dans le réseau belge. D’ailleurs, Anneke Lucas présente Patrick comme un fils de bourgeois, qui roulait en Porsche ou en BMW. Achille Haemers fréquentait d’ailleurs régulièrement Nihoul depuis « 1974-1976 », selon les déclarations de Nihoul aux enquêteurs de la PJ de Bruxelles, même s’il a pu enlever quelques années à leur amitié.

L’ex-femme d’un pédophile condamné qui grenouillait dans les milieux de la pédopornographie, Raymond Corvillain, a confirmé aux enquêteurs les liens entre son mari, Nihoul, Achille Haemers et un dénommé Serge Frantsévitch, et les étranges discussions sur l’importation de chevaux « blancs et bruns, chers mais bons et jeunes ». Selon elle, après avoir vu l’affaire à la télé, il s’agissait d’enfants. Cette femme a également déclaré, comme le rapporte le quotidien la DH, que Corvillain « procurait des enfants à Dutroux, à Nihoul, à l’armurier de Haemers », et que Dutroux était venu plusieurs fois au domicile familial. Frantsévitch était aussi lié à l’avocat d’Haemers, Delhuvenne, et la justice belge les soupçonnait d’être « complices de sociétés – écrans destinées à camoufler des bénéfices tirés du commerce de cassettes pédophiles ». Frantsévitch était aussi lié à Jacques Monsieur, le célèbre trafiquant d’armes belges, très à droite lui aussi, arrêté aux Etats-Unis et condamné en octobre 2018 à 4 ans de prison et 1,2 million d’euros d’amende « pour une dizaine de ventes illicites d’armes et de matériel de guerre, entre 2006 et 2009 ».

Patrick Haemers est également relié par divers témoins aux protagonistes des tueries du Brabant, une série de massacres par armes à feu commis entre 1982 et 1985 dans des supermarchés, des armureries, des restos, et qui sont liées à l’extrême droite et aux réseaux Gladio locaux. « Après deux commissions d’enquête et trois décennies de recherches, les auteurs de cette vague de braquages et d’assassinats commis entre 1982 et 1985, qui ont fait 28 morts, dont des enfants, n’ont toujours pas été identifiés. L’intention des tueurs du Brabant n’a jamais été déterminée non plus », résume la presse belge.

Dans un post sur Facebook du 28 septembre 2018, Anneke Lucas écrit que Patrick Haemers, qui l’a sauvée du réseau en lui permettant d’avoir la vie sauve, lui a fait des recommandations parmi lesquelles quitter le pays : « tu ne voudrais pas être là dans les années 80 », lui aurait-il dit. En tout cas, elle a suivi son conseil. Et elle relie Haemers aux tueries du Brabant, cette série de massacres de civils qui ont eu lieu au début des années 80.

Ce réseau n’hésitait pas à massacrer des enfants, et Anneke Lucas mentionne un petit garçon blond d’environ 7 ans, torturé et tué lors d’une orgie. Elle évoque un « petit groupe d’aristocrates » belges, donc, « qui violaient, torturaient et tuaient des enfants. Ce groupe était si violent que les enfants ne pouvaient pas survivre à leur rencontre avec ces hommes ». Elle parle de « chasses » au cours desquelles des enfants étaient tués par balles, de pratiques qui relèvent de ce qu’on appelle Daesh, c’est-à-dire l’horreur absolue.

Lisez la deuxième partie de cet article

yogaesoteric
26 avril 2020

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