Aliments ultra transformés : fake food et vrais problèmes de santé


Les aliments ultra-transformés prennent de plus en plus de place dans notre assiette. Problème : non contents de n’avoir que très peu d’intérêt nutritionnel, ils sont accusés de favoriser les maladies chroniques.

« Que ton alimentation soit ton premier médicament » affirmait Hippocrate. Mais à l’heure de l’industrie agroalimentaire mondialisée, ce qui était un gage de santé est aujourd’hui pointé du doigt. De nombreuses études dénoncent les liaisons dangereuses entre nourriture industrielle ultra transformée et hausses des cas d’obésité, de diabète de type 2 et de cancers. En 2018, une commission d’enquête parlementaire1 tirait la sonnette d’alarme sur ces produits.

Un aliment ultra transformé c’est quoi ?

Le concept d’aliment ultra transformés (AUT) a été popularisé en 2017 en France par le Dr Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive et holistique et auteur de « Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons Vrai »2. A la base de sa réflexion, des travaux d’épidémiologistes brésiliens. Inquiets de voir l’épidémie d’obésité proliférer dans leur pays, ces scientifiques se penchent sur les habitudes alimentaires modernes de leurs concitoyens. Leurs travaux débouchera sur la classification internationale NOVA, basée sur le degré de transformation des aliments3. Au total, trois grands groupes (+ un 4ème regroupant les ingrédients culinaires comme les huiles, le beurre, le vinaigre, le sel…) vont des aliments bruts ou peu transformés aux aliments ultra transformés.

CLASSIFICATION NOVA

Catégorie 1 :
Aliments bruts ou peu transformés

Viande
Œufs
Lait (entier, demi-écrémé, en poudre)
Céréales entières
Légumineuses
Fruits, légumes
Farine
100 % jus de fruits et/ou légumes

Catégorie 2 :
Aliments transformés

Légumes et légumineuses en conserve, saumure
Fruits en sirop
Viande et poisson transformés (jambon artisanal, bacon, poisson fumé)
Poisson en conserve
Fromages
Pain
Frites

Catégorie 3 :
Aliments Ultra transformés

Pâte à tartiner
Margarines
Burgers
Nuggets et poissons panés
Surimi
Yaourts aux fruits
Viennoiseries, pâtisseries industrielles
Confiseries industrielles
Barres énergétiques
Soupes en poudre
Nombreux plats cuisinés industriels
Produits amaigrissants

Les « calories vides » des aliments ultra transformés

« Les aliments ultra transformés sont caractérisés dans leur formulation par l’ajout d’au moins un ingrédient et/ou un additif cosmétique – ayant subi un processus de transformation excessif – qui exacerbe, imite, restaure l’apparence du produit, à savoir ses qualités organoleptiques ou sensorielles, la texture, le goût, la couleur) » explique Anthony Fardet. Les AUT sont des recettes très rentables pour les industriels, réalisées à partir d’ingrédients bon marché (sucres ultra-transformés, sel, certains additifs, matières grasses très transformées, colorants, exhausteurs de goût, texturant, arômes…) et de matières premières tellement transformées qu’elles sont totalement vidées de leurs nutriments.

Ces transformations donnent lieu à des aliments à forte densité calorique et à faible valeur nutritionnelle (des « calories vides ») créant au passage un paradoxe alimentaire typique des pays riches : une population à la fois en surpoids à cause d’une consommation excessive de calories et souffrant de carences en tous genres (vitamines, fibres, minéraux).

La place des AUT dans notre assiette

Les aliments ultra transformés sont de plus en plus présents dans nos assiettes : ils représentent 84 % des aliments emballés en supermarchés en Nouvelle-Zélande et quasiment près la moitié des calories consommées dans les pays industrialisés (36 % en France et souvent plus de 50 % dans les pays anglosaxons). En France, on consomme 125 kg d’AUT par an et par personne (contre 307 kg aux Etats-Unis et 6,7 kg en Inde).

En cause, des modes de vie qui changent. La part de l’alimentation dans le budget des Français est en baisse : il est passé de 35 % dans les années 60 à 20 % en 2014 pendant que le temps quotidien consacré à la préparation des repas chutait lui d’1h11 en 1986 à 53 mn en 2010 ouvrant la porte aux plats prêts à l’emploi, à emporter et aux aliments ultra transformés généralement peu chers.

Et qu’on ne s’y trompe pas, les AUT ne sont pas seulement l’apanage de la junk food comme les burgers, les colas, les barres chocolatées… Ils sont bien plus insidieux et se cachent même dans les rayons diététiques et bio. « Les AUT vont plus loin que la malbouffe, met en garde Anthony Fardet. Ils englobent en plus des aliments qui peuvent être présentés comme sains et qui ne le sont pas. On retrouve des produits light, vegan, bio, sans gluten ».

La malbouffe rend malade et tue

Obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, cancers… si les causes des maladies chroniques sont multifactorielles, toutes les études tendent à prouver que l’alimentation joue un rôle prépondérant dans leur survenue et leurs complications, comme le reconnaît l’Organisation Mondiale de la Santé. Et les études scientifiques se multiplient :
•    Dans The Lancet en 20154, des travaux démontrent que plus d’un tiers des décès en France sont imputables directement ou indirectement à une mauvaise alimentation. « Dans tous les pays où ils deviennent la base de l’alimentation, on voit le nombre de maladies chroniques exploser » poursuit Anthony Fardet.
•    En France, une étude basée sur la cohorte Nutrinet5 a mis en évidence un risque accru de cancers totaux et du sein chez les personnes qui consommaient le plus d’aliments ultra transformés et de mauvaise qualité nutritionnelle.
•    Aux Etats-Unis, une étude sur une population6 de plus de 92 000 femmes ménopausées a démontré qu’il existait une corrélation entre densité calorique et risque accru d’obésité et que ce surpoids était associé à une hausse de 10 % du risque de développer un cancer lié à l’obésité.
•    Une étude espagnole de 2016 soulignait que les personnes qui consomment le plus d’AUT ont 26 % de risques de plus de souffrir d’obésité ou de surpoids7.
•    Dans une autre étude brésilienne sur plus de 30 000 individus, il ressort que le risque d’obésité augmente significativement dès que les AUT représentent plus de 13 % des calories consommées8.
 
Pourquoi ces aliments favorisent-ils le surpoids et ses conséquences ?

Pour le Dr Anthony Fardet, cette nourriture industrielle ne rassasie pas, au contraire car elle possède souvent un Index Glycémique élevé provoquant des pics de glycémie. Résultat : les AUT ouvrent l’appétit et favorisent les fringales, le grignotage à l’origine du surpoids et de l’obésité. Leurs qualités sensorielles exacerbées suscite leur consommation sans avoir faim, le « plaisir » l’emportant sur la satiété.

Ils sont par ailleurs dépourvus d’effet protecteur (vis-à-vis des maladies chroniques) véhiculés par les fibres, les vitamines, les minéraux et les antioxydants car ils sont souvent très raffinés. Les acides gras trans qu’ils peuvent contenir favorisent l’inflammation des vaisseaux sanguins, le diabète, augmentent le taux de mauvais cholestérol (LDL) et réduisent celui du bon cholestérol (HDL).

La nécessité d’informer sur le niveau de transformation des aliments

Pour Anthony Fardet comme pour les chercheurs à l’origine de la classification NOVA, l’effet des AUT sur la santé est sous-estimé. Les autorités se sont trop longtemps focalisées sur les sucres et les graisses en réduisant les aliments à une somme de nutriments. Pour le Dr Fardet, il faut tenir compte de la matrice des aliments, qui est le résultat de l’interaction des différents nutriments, car elle joue un rôle santé fondamental (négligé) sur la santé. La matrice a un impact sur la biodisponibilité des nutriments et leur métabolisation, la mastication, la dégradation dans le tube digestif, la satiété, l’index glycémique, ses qualités organoleptiques… Et les multiples processus de transformation altèrent cette matrice.

Pour l’expert, impossible de s’intéresser à l’effet santé d’un aliment sans tenir compte de cette matrice. « Les scores qui ne s’intéressent qu’aux scores nutritionnels développés dans le monde9, et focalisés sur les seules calories, ou les teneurs en graisse, en sucre, en sel sont trop réductionnistes, et ne prennent donc pas en compte tout le potentiel santé de l’aliment. Il faut aller plus loin avec des indicateurs nutritionnels plus holistiques comme l’index NOVA ou le score Siga10, plus globaux et qui tiennent compte, en première intention, du degré de transformation des aliments ».

Comment reconnaître et éviter les AUT ?

Pour repérer ces AUT, il suffit de se fier à la liste des ingrédients qui est généralement très longue, composée d’ingrédients inconnus ou difficiles à lire. Les AUT sont souvent enrichis en minéraux, vitamines, allégés en sucre, sel, gras et « sans gluten ».

« Leurs emballages sont souvent très colorés, avec des personnages pour enfants, très ciblés par les AUT. Ils sont aussi souvent en promo car comme peu chers à produire, les industriels peuvent se permettre de faire des rabais » ajoute le chercheur. Autre astuce pour les reconnaître, se fier à certaines applis comme Open Food Facts et Scan Up : « les 2 seules applis qui indiquent le degré de transformation des aliments » précise le Dr Fardet.

Comment éviter les aliments ultra transformés ?

Pour le chercheur, il n’est pas nécessaire de bannir les AUT, ils peuvent avoir leur utilité en dépannage, pour un en-cas à l’aéroport, à bord d’un train, un soir où il est trop tard pour cuisiner. « Il n’y a pas de danger pour la santé quand ils sont consommés de façon occasionnelle. Mais ils doivent être l’exception et non la base d’une l’alimentation quotidienne ».

Sources :
Entretien avec le Dr Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive et holistique

1 – Commission d’enquête sur l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance. Septembre 2018
2 – Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai, Dr Anthony Fardet, Editions Thierry Souccar
3 – NOVA. The star shines bright – Food classification. Public health – World Nutrition – Vol 7 No 1-3 (2016): Visions of 2016-2030 and beyond
4 – Forouzanfar MH, Afshin A, Alexander LT et al. (2016) Global, regional, and national comparative risk assessment of 79 behavioural, environmental and occupational, and metabolic risks or clusters of risks, 1990-2015: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2015. Lancet 388, 1659-1724
5 – Fiolet, T., et al., Consumption of ultra-processed foods and cancer risk: results from NutriNet-Santé prospective cohort. BMJ, 2018. 360.
6 – Association between dietary energy density and obesity-associated cancer: results from the Women’s Health Initiative. Thomson CA et coll. J. Acad. Nutr. Diet. 2018 ; 118 : 617-626
7 – Ultraprocessed food consumption and risk of overweight and obesity: the University of Navarra Follow-Up (SUN) cohort study. De Deus Mendonça R. et al. Am J Clin Nutr., First published October 12, 2016.
8 – Louzada, M.L., et al., Consumption of ultra-processed foods and obesity in Brazilian adolescents and adults. Prev Med, 2015. 81: p. 9-15
9 – type NutriScore, SENS, Traffic Light, Health Rating Stars… ndlr
10 – Anthony Fardet est membre du comité scientifique de la société Siga

yogaesoteric
19 février 2020

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