Fabrication de l’illusion et voie de sortie (3)

 

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L’illusion de la sécurité

Quête de nourriture, reproduction de l’espèce, survie du groupe… à l’image des animaux, la plupart des êtres humains passent leur temps, parfois toute une vie, à rechercher la sécurité, sans pour autant la trouver. La peur et l’ignorance en sont les causes. Ainsi par exemple dans leur besoin de se relier, trop souvent synonyme de dépendance, à autrui via un groupe d’appartenance (famille, entreprise, parti politique, église…). Lorsque ce sentiment de sécurité s’amenuise à partir de l’évolution pourtant naturelle de l’environnement, la personne n’est plus encline à prendre des risques, comme inhibée, paralysée par la remise en question du lien existant. Qui plus est, un contexte de compétitivité accrue, et par là-même générateur de tensions et de menaces, débouche sur une chute de vitalité, de dynamisme, alors qu’il devrait générer un surcroît de stimulation.

Or, la source de la santé, de la vitalité, du bien-être, de l’abondance et de tout ce qui vient du monde physique, est le vrai Soi, la connaissance de sa véritable identité biologique comme anthropologique, de son véritable personnage, dégagé des artifices liés aux fausses croyances enregistrées comme aux blessures émotionnelles non guéries. C’est la conscience de ce qui Est qui sait comment répondre à ses besoins, tout le reste – travail, statut, argent, maison, voiture, vêtements, bijoux… – n’étant que symboles éphémères. Ils créent par l’attachement que vous leur portez une apparente sécurité qui, paradoxalement, traduit par la vanité et l’orgueil qui les sous-tendent l’indigence et la pauvreté d’une existence contenue et bridée. Celle de sa non-conscience en l’état. Et cette apparente sécurité au connu, qui n’est rien d’autre que la répétition de vieux souvenirs usés, qu’une prison créée par le conditionnement au passé, finit toujours par conduire au désespoir, car elle est source de stagnation, de désordre des sens et de décadence.

C’est pourquoi les anciennes sagesses expliquent que la solution à cette quête sans issue réside dans la sagesse de l’incertain, de l’inconnu, ce champ de tous les possibles ouverts à la création de nouvelles manifestations et opportunités. Abandonner son attachement au connu en accueillant dans la confiance l’inconnu, c’est pénétrer dans le champ de tous les possibles, sources d’exaltation et d’exultation de son esprit en vivant chaque jour le plaisir de découvrir ce qui peut advenir. Lorsque vous êtes attaché au résultat par besoin de sécurité, vous restez prisonnier d’un réseau rigide de pensées et ne pouvez atteindre la fluidité, la créativité et la spontanéité inhérentes au processus de création. Vous ne trouvez pas la gloire de votre chemin de vie au cœur de la prudence, mais sur ses bords ; vous ne trouvez pas l’amour dans un endroit protégé, mais là où vous êtes mis à nu. Vous devez prendre des risques. Vous ne devez pas seulement ramasser les dés, vous devez également les lancer. Vous n’avez rien à perdre, à part la possibilité de gagner. Ceci requiert la foi, non au sens religieux qui relève du mental, d’une croyance, mais au sens du ressenti profond, de l’intuition, autrement dit d’une transcendance émotionnelle, celle de l’intime conviction.

Votre façon de percevoir la réalité est liée à des croyances et à des conditionnements, manipulations orchestrées pour vous empêcher d’embrasser la totalité. Elles découlent de toutes celles et tous ceux qui déversent depuis votre arrivée au monde une information tronquée et subjective, volontairement ou involontairement, dans le disque dur de votre logiciel biologique, le cerveau. Cette transmission des pensées fondatrices et constitutives de vos croyances a son langage : il peut s’agir d’une information orale ou écrite, d’une pensée exprimée, d’une émotion ou affect, d’un comportement, d’une omission.

Deux exemples

1. Votre société a inversé le sens attribué à rationnel et à irrationnel par la « sacralisation » de l’économie comme épicentre du modèle sociétal. En effet, il est irrationnel d’être insensible à la souffrance de vos semblables alors que c’est rationnel de les faire souffrir si c’est au nom de la rationalité économique. Il ne faut de plus surtout pas chercher ce que cache ce terme de « rationalité économique », car si l’on se donne le mal de gratter un peu, il devient vite visible que toute la structuration de votre réseau social par l’institutionnel politique et les relais médiatiques a été conçue dans le but exclusif de servir les ambitions démesurées de quelques « acteurs » prédateurs.

2. Vous avez appris que vous êtes un corps constitué de molécules, d’os, de tissus, d’oxygène, d’hydrogène et d’azote. Vous vous reconnaissez dans cette personne portant tel patronyme, dotée de tels caractère et tempérament, et vous vous identifiez à la somme de vos accomplissements et de vos possessions. Ce « moi » personnifié possède également quelques informations terrifiantes. Il sait qu’avec un peu de chance il est destiné à devenir vieux, qu’il peut tomber malade, qu’il peut perdre tout ce qu’il en est venu à aimer et/ou à posséder. Il sait qu’il est destiné à mourir. Voilà en un court résumé ce que le monde vous a offert jusqu’à présent, en vous recommandant d’en profiter et d’en jouir parce que vous ne vivez qu’une fois tout en respectant les règles du jeu définies par les « maîtres » du jeu. Il ne s’agit rien d’autre qu’un ensemble de croyances absurdes de ce que vous appelez la vie, constitutives par leurs limitations imposées d’une triste perspective qui inspire peur et même terreur à la plupart des êtres humains tant elles ont été inoculées dans leur inconscient.

Vous héritez de ce mélange diffus de deux façons. Par effet de résonance inconsciente la plupart du temps, à votre insu, surtout à la petite enfance en raison de votre totale perméabilité. Par résonance fantasmatique, c’est-à-dire par l’effet primal de groupe (nommé aussi contagion mentale) auquel vous adhérez et à qui vous donnez crédit, ou par identification adhésive ou projective, hystérique ou narcissique, à une ou des « idoles ». Vous avez alors enclenché un travail de ré-élaboration, d’interprétation et de transformation de ce mélange, qui constitue une réalisation de nature psychique et culturelle. Celle-ci, évolutive en permanence, débouche sur votre identité égotique et votre « surmoi » qui, à l’instant présent, interprètent la réalité et en colorent la lecture. 

Les transmetteurs de croyances

Parents & Membres de la famille
(intergénérationnel)
Éducatif
Relations sociales, amicales et amoureuses
Relations professionnelles
Représentant(e)s institutionnels
(politique, religieux, philosophe, médias, économiste, artiste, sportif …)

L’enseignement de l’ignorance

Pour le philosophe et enseignant Jean-Claude Michéa, la crise de l’école participe d’une crise plus large, celle de la société. Il convient ainsi de l’analyser dans le cadre d’une dynamique sociale générale contemporaine qui est caractérisée par le primat de l’économie politique. Elle énonce que pour construire la paix entre les hommes, il faut dissiper tous les obstacles devant le libre jeu du marché. Ceci suppose « logiquement » qu’on détruise aussi les obstacles existant à l’intérieur des individus, pour fabriquer des hommes purement rationnels, ne s’inscrivant plus que dans les catégories de l’économie politique. Le problème est qu’un tel individu, étant dépourvu de toute valeur transcendante, puisque la raison économique l’amène à ne suivre que son intérêt bien compris, ne peut s’inscrire dans une chaîne de transmission du savoir, qui suppose que l’on suive un intérêt autre qu’individuel.

Il s’agit d’un pari impossible pour l’enseignement : construire une société qui transmette, alors qu’elle est faite d’individus enfermés dans les catégories définies par l’économie politique. Si pendant des siècles la « société capitaliste » n’a pu fonctionner qu’en s’appuyant sur des types anthropologiques (l’enseignant, en particulier) qui, précisément, n’avaient pas de place dans la logique intrinsèque de cette société, à présent on prétend faire fonctionner cette société uniquement sur ses propres principes. Par là-même, les fonctions qui, jusque-là, lui était apportées en quelque sorte de l’extérieur (l’école, en particulier), sont niées. On a donc rompu un compromis entre le capitalisme et les conditions antérieures à son existence, qui étaient, de manière invisible, ses garde-fous et ses auxiliaires.

La crise de l’école est en réalité une bataille menée par le capitalisme mondialisé pour instituer, vaille que vaille, une des bases logistiques de son emprise absolue. Il s’agit de préparer un monde où, dixit votre classe dirigeante, 20 % de la population mondiale suffira à faire tourner l’outil de production. Et un monde, donc, où 80 % de l’humanité, déclarée surnuméraire, devrait être gouvernée sans qu’on l’encadre par le travail. La méthode choisie pour encadrer cette humanité en trop sera le « tittytainment » (terme utilisé par le feu politologue et essayiste états-unien Zbigniew Brzezinski), c’est-à-dire « un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante », ou si l’on préfère « du pain et des jeux ». Pour préparer les masses à cette société, l’école combinera des filières d’excellence chargées de former les élites et une formation à caractère purement technique destinée aux 20 % « utilisables » mais n’appartenant pas à l’élite. Cette formation technique pourra d’ailleurs être donnée « à distance », via les réseaux électroniques, ce qui ouvrira un marché aux grandes firmes tout en permettant d’économiser les salaires des enseignants. Quant aux 80 % de « surnuméraires », il s’agira de les préparer au tittytainment en leur apprenant l’ignorance bienheureuse.

Pour conduire à bien cette réforme de l’enseignement, devenu enseignement de l’ignorance, il faudra évidemment former d’abord les enseignants. Ils seront rééduqués sous la tutelle d’une armée de spécialistes en « sciences de l’éducation », chargés pour dire les choses simplement de créer des profs pas très malins mais très soumis, tout juste capables d’apprendre à leurs élèves à se comporter en crétins dociles, manipulables puisque esclaves de leurs pulsions (ce qui, soit dit en passant, constitue une excellente définition des IUFM français).

Pour conduire cette mutation en toute quiétude, on veillera à changer non le contenu, mais la méthode de l’enseignement, tant il est vrai qu’en l’occurrence, la forme conditionne le fond. Le prof deviendra donc un animateur, et l’école sera promue « lieu de vie » et non plus lieu de transmission du savoir. Et pour achever de faire passer la pilule, le bougisme un peu cul-cul de la « gauche », devenue purement sociétale, et le rôle de méchant réac de la droite seront mis en œuvre dans le respect de la bonne vieille méthode duale : l’imbécilité des crétins « de gôche » pour faire passer des réformes/sabotages qui déplaisent à l’électorat « de drouète », lequel, également constitué en grande partie d’ahuris incohérents, ne veut pas des conséquences de ce qu’il souhaite. Vous ne êtes visiblement plus très loin de ce scénario …

Les quatre types de transmission

Transmission intrapsychique

(découle du passage de la veille au rêve, de l’inconscient au préconscient, du préconscient au conscient, des pensées latentes au récit manifeste, des associations à la représentation).

Transmission intersubjective

(découle des rapports imaginaires, symboliques ou réels)

Transmission transgénérationnelle

(découle des rapports imaginaires, symboliques ou réels)

Formation du Moi

(découle de la position mentale prise)

Ce que vous appelez « hasard », ces événements qui surgissent à un moment donné dans la vie et qui entraînent de la souffrance, du mal-être, ne sont que les conséquences de croyances et pensées entretenues, conscientes et inconscientes, et qui, avec un décalage dans le temps, se traduisent dans la réalité, celle que vous fabriquez. Dès que vous atteignez l’âge de raison, vous perdez l’innocence. Vous devez vivre avec la conscience de votre mortalité, de votre singularité et de votre fragilité, ce qui vous contraint à vivre dans le manque et l’impossibilité d’y remédier complètement. Tout semble futile, vanité, brume comme le disait l’Ecclésiaste, ce livre de la Bible hébraïque. Rien n’est assuré. Tout est illusions, volonté de donner du sens au non-sens. Si on ose reconnaître que tout est vanité, on ne peut en même temps consentir à donner du sens. Mais à l’inverse, si on donne du sens au non-sens, on ne peut en même temps prétendre que tout est vanité ! C’est dans cette double contrainte obligée que se nouent les réponses humaines : le divertissement, l’oubli, le déni, les utopies, etc.

Tout ceci est le fruit d’une conscience nourrie presqu’exclusivement de raison et de logique, fruits du mental qui a permis à l’être humain l’apprentissage de l’individualité de conscience. Sa contrepartie est la « séparativité » et l’enfermement (« L’enfer me ment » …), car la vie ne s’arrête pas à la matière comme au hasard, qui exclut automatiquement de son champ tout principe de transcendance. Il postule de ce fait l’absurde, puisqu’il rejette toute finalité, toute signification, au départ comme à l’arrivée, tant pour la croyance en un Créateur donnant sens à Sa Création que pour une approche scientifique rigoureuse ne pouvant se satisfaire dans ses théories explicatives d’une prédominance du hasard. Il se situe aux antipodes de la cohérence traditionnelle, transmise par toutes les civilisations et sociétés de l’Histoire connue. Votre époque ferait donc-t-elle exception ?


Lisez la quatrième partie de cet article

 

yogaesoteric
23 avril 2019

 

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