Fluor : un scandale sanitaire enfin médiatisé
En avril 2016, France 5 a décidé de « déclassifier » médiatiquement le dossier Fluor dans un documentaire d’Audrey Gloagen intitulé « Fluor, un ami qui vous veut du mal ». Jusqu’alors, les médias « mainstream » semblaient mal à l’aise vis-à-vis de ce sujet de santé publique, qu’ils avaient négligé pendant si longtemps, allant jusqu’à promouvoir la consommation du fluor dans de nombreuses publicités.
L’enquête d’Audrey Gloagen commence évidemment comme un polar, les journalistes aimant se mettre en scène en se donnant le beau rôle. Après un échange de SMS avec son « rédac » qui l’informe du danger du fluor, la journaliste décide d’aller exhumer les archives des aciéries Schneider du Creusot en Bourgogne et découvre un rapport « Pollution » de 1970 précisant que le fluor était utilisé pour faire fondre l’acier dans les hauts fourneaux et dégageait des fumées toxiques. Les fluoroses dentaires s’étaient développées dans la population environnante et les élevages de Charolais voisins.
Caries et fluoroses dentaires (sucre raffiné et dentifrice au fluor)
Parmi les dangers du fluor, la fluorose dentaire est l’une des pathologies les « moins graves » mais de plus en plus fréquente chez les enfants : des tâches inesthétiques sur les dents avec destruction de l’émail (qui rend le patient très sujet aux caries). Car la consommation du fluor s’avère toxique dès 1 mg par jour pour les enfants et 4 mg pour les adultes.
On le retrouve dans l’eau, les dentifrices, les poêles, les sels, les vêtements et sa toxicité inquiète désormais les scientifiques du monde entier.
« Un professeur connaît le fluor plus que quiconque pour en avoir fait l’objet de sa thèse. Anne-Marie Musset dirige l’un des plus grands pôles de chirurgie dentaire de France. À la faculté de Strasbourg, il lui arrive de voir régulièrement des problèmes d’intoxication au fluor. »
Elle conseille aux parents de réduire au maximum la quantité de dentifrice au fluor sur la brosse à dents de leurs enfants. En mars 2009, l’impression sur les boites de dentifrice au fluor de la dose « taille d’un petit pois » pour les enfants a été imposée par une loi. Le Pr Musset explique : « Les fluoroses qu’on voit en France, dans 80% des cas, ce sont des enfants qui ont avalé du dentifrice à trop forte dose. »
Il s’agit de la fluorose humaine. Le fluor, ingéré à forte dose, entraîne de graves problèmes osseux et, à une dose moindre, provoque une fluorose dentaire : des traces horizontales et des taches brunes apparaissent sur les dents et l’émail est progressivement détruit.
Un poison embarrassant pour les multinationales
La société américaine Alcoa a connu dans les années 1930 un problème majeur avec le fluor. Tout comme Schneider en France, Alcoa génère des fumées toxiques en extrayant l’aluminium grâce au fluor. Inquiète des risques de procès, Alcoa enquête à partir de 1931 sur des cas de fluorose dentaire autour de son usine de Massena dans l’État de New York. Dans un courrier interne, la société mentionne que de nombreux dentistes ont observé des cas d’émail tacheté sur les dents de leurs patients. La contamination des eaux inquiète notamment la société qui pourrait à terme voir des malades se retourner contre elle pour des problèmes de fluorose dentaire, de thyroïdite et d’arthrite. Selon deux spécialistes américains interrogés lors du reportage, dans et autour des usines, les cas d’empoisonnements se multipliaient et Alcoa avait besoin d’arguments pour se défendre face aux tribunaux et de faire ressortir les aspects positifs du fluor.
« La réponse à son problème, Alcoa va la trouver à l’Institut Mellon, un laboratoire de sciences appliquées de Pittsburgh que le géant de l’aluminium a lui-même créé pour servir les intérêts des industriels. L’institut a déjà été utile pour légitimer l’amiante, par exemple.
En 1935, un scientifique, Gerald Cox, y travaille. Il réalise une étude sur les dents en utilisant des rats de laboratoire. Un homme va sortir de l’ombre et venir à sa rencontre : il s’appelle Francis Frary, il est le directeur de recherche d’Alcoa et va fortement suggérer à Cox d’introduire le fluor dans son étude. »
Il s’agit d’identifier le rôle bénéfique du fluor sur les caries afin de compenser tous les autres aspects négatifs du produit. Gérald Cox reconnaîtra cette collusion lors d’une correspondance avec un historien en 1956.
« Le poison vient de devenir un remède. L’institut Mellon annonce quatre ans plus tard dans une revue scientifique que le fluor est probablement l’élément permettant aux dents d’être plus résistantes à la carie. (…) C’est ainsi qu’une petite manœuvre a fabriqué la grande histoire du fluor. Plus personne ne songera à la remettre en cause pendant des décennies. »
Après la Seconde Guerre mondiale, le fluor sera introduit dans de nombreux produits : eau potable, sel, chewing-gum, et bien sûr dans le dentifrice. La France ne sera pas en reste, puisqu’elle va prescrire du fluor aux nourrissons et aux enfants sous forme de gouttes dès la naissance ou de comprimés. Il faudra attendre 2008 en France pour que le professeur Goldberg de l’université Paris et plusieurs experts de l’Agence Française de Sécurité des Produits de Santé demandent progressivement aux médecins de faire machine arrière dans leurs ordonnances. En 2012, dans son article dédié aux dangers du fluor, Au Bon Sens dénonçait la surconsommation de dentifrice au fluor par les enfants dans la prévention des caries et analysait même les causes réelles des caries enfantines :
« S’il y a donc un moyen efficace de faire diminuer les caries des enfants, c’est évidemment le remplacement des sucres raffinés présents partout par du sucre complet ou d’autres sucres naturels (fruits, miels, sirops végétaux). Il faut reconnaître que le fluor a un effet “ anticarie ”, mais celui-ci est largement surestimé par le monde médical. »
Au Bon Sens a d’ailleurs ajouté à son catalogue de dentifrices bio sans fluor un dentifrice pour enfants, et a toujours incité à la consommation de sucre complet (non-raffiné).
Le fluor dans l’eau
Au-delà des instances médicales, les autorités sanitaires, elles aussi, semblent avoir manifesté un certain « laisser-faire ». Il y a quelques années, Alexandra Thebault, une habitante de la région bordelaise, a tiré la sonnette d’alarme. Cette mère de famille a réalisé que pendant des années, en remplissant ses bouteilles à l’eau du robinet, sa famille avait bu cette eau non-conforme sans avoir été mise en garde et que sa fille avait développé une fluorose dentaire de stade 2. Elle a néanmoins échappé au pire : une vingtaine d’études à travers le monde indique aussi que l’eau fluorée peut entraîner des retards neurologiques chez les enfants.
« Présent à l’état naturel dans la roche des sous-sols, le fluor contamine l’eau au-delà de la limite réglementaire. »
Depuis longtemps, dans la région de la famille Thebault, le Syndicat des eaux délivre une eau non-conforme qui dépasse régulièrement le seuil de 1,5 mg/L pour les enfants. Pourtant, jusqu’en 2010, les habitants ont reçu des bilans de qualité des eaux n’indiquant aucune mise en garde. L’agence régionale de santé n’a pas alerté les mairies et les familles concernées. Et surtout, elle n’a pas été en mesure d’imposer au Syndicat des eaux ses propres normes pour éviter le dépassement des taux de fluorure dans l’eau.
En France, selon le ministère de la Santé, de l’eau non-conforme en matière de fluor a déjà été distribuée au moins une fois dans 22 départements.
Fluor et sel de table
À défaut de s’intéresser à la complémentarité commerciale fluor-sucre raffiné mise en place par les industriels, le documentaire souligne tout de même le cas problématique du « sel de table ». Car les sources d’intoxication peuvent être multiples : dentifrice, eau minérale, eau du robinet, mais aussi sel de table (iodé et fluoré). « Et très vite, on peut déposer la dose maximale recommandée. » Les dentistes compétents, comme le professeur Anne Musset, sont donc désormais obligés de faire des bilans d’apport fluoré avec leurs patients pour examiner les eaux courantes ou minérales, les sels de table et les dentifrices qu’ils consomment.
Le sel fin de Guérande est non raffiné et sans fluor. Il est également disponible en gros sel ou en fleur de sel.
Le fluor et le thé
Les aliments aussi sont concernés par la présence dangereuse du fluor. À l’université de Derby en Angleterre, les chercheurs Paul Lynoh et Aradhana Mehra ont découvert que le thé de grande consommation (discount ou marque distributeur) contient beaucoup plus de fluor que les autres : 6 thés sur 10 dépassent le seuil de 4 mg de fluor par adulte et par jour, pallier au-delà duquel la santé est menacée.
« Les thés noirs et purs contiennent en moyenne 2 mg de fluor par litre. Les thés bleus Oolong, qui sont aussi des mélanges purs, ont une valeur comparable. Les mélanges de thés noirs vendus par les principales grandes marques contiennent entre 3 et 4 mg de fluor par litre. Le thé vert a des valeurs très comparables. Mais les mélanges de thés noirs à bas prix, ceux des marques distributeurs, ont un taux de fluor très élevé, entre 5 et 8 mg/L. »
Pourquoi trouve-t-on plus de fluor dans les thés à bas prix ? La raison réside dans la manière dont le thé est récolté : pour faire du thé à bas prix, les fabricants utilisent une technique de récolte mécanisée, récoltant les feuilles du haut et les bourgeons mais aussi les feuilles les plus basses et les plus matures, qui sont les plus chargées naturellement en fluor.
« Chez les buveurs de thé anglais, mais aussi américains, plusieurs études ont révélé des cas de fluorose osseuse, une maladie où le fluor se met à prendre la place du calcium. Les os deviennent alors fragiles, se cassant sans raison. »
On propose des macérâts BIO, où le taux de fluor est minimal.
Les perfluorocarbures (PFC)
Les PFC sont des substances chimiques truffés de fluor. Utilisés pour leurs propriétés imperméabilisantes, ils composent de nombreux produits des filières du textile. Mais ils provoquent des maladies bien plus graves que la fluorose.
« Greenpeace a lancé un cri d’alarme. Associé au carbone et manié chimiquement, le fluor s’avère extrêmement dangereux. Les scientifiques de Greenpeace sont allés dans les coins les plus reculés de la planète pour prélever des échantillons, et partout ils ont trouvé des PFC. Un composé fabriqué dans des usines disséminées dans le monde entier. Durant le processus de production, ces particules microscopiques contaminent les cours d’eau mais elles se dispersent aussi sous forme de gaz ou de particules fines. Elles voyagent avec le vent et finalement reviennent sur terre. »
En 2013, les PFC ont été identifiés comme substance dangereuse prioritaire par l’Europe. L’activiste de Greenpeace et ancien chimiste Manfred Santen explique :
« Ces composants s’accumulent. Cela veut dire qu’ils restent dans le corps. Ils vont dans nos organes (comme les reins ou le foie) et ils y restent pendant plusieurs années. »
Manfred Santen a examiné une quarantaine de produits (duvets, veste de sports…) afin d’y détecter ces composés dangereux. Résultat : seuls 4 ne contenaient pas de PFC. Même les boites de pizzas peuvent en contenir afin que la pizza se décolle plus facilement…
L’épopée DuPont de Nemours
Pour les besoins de son documentaire, Audrey Gloagen s’est également rendue à Parkersburg, en Virginie, aux États-Unis. Cette petite ville a la particularité d’accueillir le plus grand site de production du monde de l’entreprise DuPont (de son nom complet « E.I. du Pont de Nemours & Cie »), le géant de la chimie qui, grâce aux PFC, a notamment inventé le très célèbre Téflon.
« Derrière l’argument commercial de la poêle qui n’attache pas se cache une tragédie. Pour produire le Téflon, DuPont de Nemours a utilisé pendant plus de 50 ans un composé perfluoré bien particulier, le PFOA (appelé aussi C8), émettant des fumées toxiques, contaminant les cours d’eau et l’eau potable de toute la région. »
De nombreux habitants de Parkersburg sont tombés malades. « En 2005, 70.000 personnes ont été invitées à faire des analyses. L’étude a révélé que le PFOA était présent dans leur sang et souvent à fortes doses. » À l’issue de cette étude, le professeur Savitz, épidémiologiste à l’université Brown, et ses collègues ont rendu leurs conclusions. Il existe un lien entre l’exposition au PFOA et les problèmes de santé relatifs à 6 maladies : cardiaques sous plusieurs formes, le cancer du rein, le cancer des testicules, des troubles de la thyroïde, la colite ulcéreuse (maladie des intestins) et la prééclampsie (hypertension durant la grossesse). Une action collective a été menée contre DuPont.
« DuPont connaissait les dangers des PFC, et même depuis fort longtemps.
En 1945, les Etats-Unis viennent de larguer la première bombe atomique sur Hiroshima. Quelques années plus tôt a été lancé le Manhattan Project : un projet classé secret défense, chargé de construire des usines dans tout le pays pour produire la bombe. Des ingénieurs y ont trouvé le moyen d’enrichir l’uranium grace au fluor. Une substance extrêmement corrosive pour laquelle l’aide d’un industriel va s’avérer précieuse : DuPont et son Téflon à base de PFC.
Christopher Bryson (journaliste) : “ Le fluor était essentiel à la fabrication de la bombe atomique. D’énormes quantités de fluor ont été transportées avec l’uranium sous la forme d’un gaz appelé l’hexafluorure d’uranium. Et ce gaz était utilisé pour séparer la fraction explosive de l’uranium de sa fraction non-explosive. Ils avaient besoin de camions et de citernes qui pouvaient résister à la puissance corrosive des gaz fluorés. Ils avaient trouvé quelque chose qui soit capable de protéger les métaux de l’influence corrosive du fluor : c’était le Téflon. Donc l’expertise de DuPont en matière de fluor était en fait l’arme secrète qui a permis aux Etats-Unis de construire la bombe atomique. ”
Dans son laboratoire Jackson dans le New Jersey, DuPont a en effet inventé le Téflon quelques années plus tôt. Les employés vont ensuite y travailler secrètement pour le Manhattan Project. Mais de sérieux problèmes médicaux apparaissent là où l’on manipule les composés perfluorés.
Dans un document déclassifié 44 et envoyé au Colonel Warren, le chef du Manhattan Project, l’armée s’inquiète de voir l’affaire s’ébruiter : “ Certains de ces hommes sont clairement des travailleurs indésirables sur ce projet particulier, ils font passer le mot qu’être transféré dans cette zone revient plus ou moins à un exil sur ce qu’ils appellent l’île du Diable. ”
Christopher Bryson : “ Les délégués syndicaux et les travailleurs eux-mêmes étaient terrifiés car y avait tant d’accidents qu’ils avaient peur de manipuler ces produits chimiques. Il y avait des morts, de terribles brûlures. Il y avait une forte exposition à ces produits. DuPont savait bien à quel point le produit chimique qu’ils utilisaient pendant la Seconde Guerre mondiale était dangereux. ”
Depuis l’eau a coulé sous les ponts et le Téflon a fait le bonheur des ménagères. Et puis un jour, des études ont démontré que les poêles de cuisson dégageaient des vapeurs toxiques à hautes températures. »
En 2012, on a dénoncé le Téflon de DuPont et la multinationale avait immédiatement réagi par l’intermédiaire de ses avocats. Pour faire la cuisine sans risquer votre santé et celle de vos proches, on vous propose des poêles de cuisson sans Téflon.
Du fluor dans le sang
« Les PFC sont partout : dans nos poêles, nos couettes, nos moquettes, dans l’air, dans les cours d’eau. Selon une étude des autorités sanitaires, 98% des Américains ont des composés perfluorés dans le sang. Et nullement besoin d’avoir des usines à proximité pour être contaminé. »
Aujourd’hui, même si les ONG comme Greenpeace se mobilisent contre les PFC, même si des recours collectifs sont lancés à l’encontre de DuPont, même si des marques comme Adidas renouvellent leur stratégie marketing en lançant des collections sans PFOA et même si plusieurs pays demandent que le PFOA soit définitivement banni, les industriels ont déjà remplacé le PFOA par d’autres composés perfluorés pour contourner la future interdiction.
yogaesoteric
15 avril 2019