Les expériences au seuil de la mort (4)

 

Par Alain Moreau

Lisez la troisième partie de cet article 

4. L’interprétation Dewavrin :

Dans une émission télévisée consacrée en partie aux NDE, le psychiatre Patrick Dewavrin a donné son interprétation psychologique réductionniste des NDE et des expériences extracorporelles en général. (On l’a également vu dans une émission de Sylvain Augier, début 2001, émission rediffusée durant l’été 2001.) Celui-ci avait réalisé une enquête dans un service de réanimation en France, et il avait découvert que certains patients déclaraient avoir effectivement vécu une NDE.

Il a commencé par signaler – et sur ce point il n’a pas tort – que l’immense majorité des sorties hors du corps ne sont pas le fait de personnes ayant frôlé la mort, 90 % d’entre-elles, dit-il, s’étant produites dans d’autres situations, qu’il s’agisse d’états d’hypovigilance ou d’hypervigilance. L’hypovigilance concerne les états de grande détente tels que la relaxation, l’entrée ou sortie du sommeil, le yoga. L’hypervigilance est relative aux états d’excitation ou de stress (menace de mort imminente, orgasme sexuel, accouchement chez les femmes, effort physique très intense). Tous ces états, dit-il, sont susceptibles d’entraîner une « sortie hors du corps ». Sa théorie explicative est la suivante :

– Pendant un laps de temps très court, quelques fractions de seconde, tout d’un coup le cerveau n’est plus informé sur la position du corps. Ceci entraîne un mécanisme psychologique compensateur : afin de faire face à cette angoisse, la conscience se projette en imagination au-dessus du corps, et on a l’impression de se voir trois mètres au-dessus.

La première question se pose : comment peut-on parler d’angoisse dans des états tels que la relaxation ou le yoga par exemple ? Qu’est-ce qui autorise à dire que le corps n’est plus informé sur la position du corps, et pourquoi la conscience s’imaginerait-elle alors se trouver au-dessus du corps ? On a affaire ici, manifestement, à des interprétations fantaisistes.

– Afin de justifier ce type d’interprétations, Patrick Dewavrin signale l’existence d’« invraisemblances » dans les récits des rescapés de NDE. Il a donné les exemples suivants : celui d’un patient ayant vu de couleur bleue la voiture des pompiers venus le recueillir au bord de la route, et celui d’une autre personne ayant vu une infirmière dans le box de réanimation, cette dernière étant en fait absente. Par contre, Patrick Dewavrin fait l’impasse sur les cas de perceptions exactes, signalés par divers chercheurs tels que Michael Sabom.

La perception d’une couleur différente de la réalité physique, en état extracorporel, s’explique probablement par le fait que le sujet, dans cet état, ne perçoit plus avec la rétine ou l’œil physique, mais avec la conscience « astrale » extériorisée, cette dernière percevant des fréquences distinctes de celles de la réalité matérielle. Ainsi, ce qui peut être perçu « blanc » sur le plan physique pourrait être perçu « bleu » en état extracorporel.

Quant au cas de la fausse infirmière, on peut émettre l’hypothèse suivante : s’il ne s’agit pas de l’effet de l’imagination du sujet, il pourrait peut-être s’agir de la perception d’une entité « non-physique » identifiée, par la personne concernée, à une infirmière.

– Afin d’expliquer la description de manœuvres de réanimation « qui grosso modo ne sont pas fausses » (sic), Patrick Dewavrin invoque le fait que les patients continuent à entendre et qu’ils sont dans la situation de quelqu’un qui a la bande son mais pas la bande visuelle. Les sujets n’ont fait qu’entendre ce qui se disait autour d’eux.

Malheureusement pour Patrick Dewavrin, cette interprétation se heurte à l’argumentation étayée de Michael Sabom, donnée plus haut, lorsque j’ai évoqué l’hypothèse de l’élaboration – à propos des informations auditivement perçues par un malade semi-conscient (présumé à tort inconscient) – d’une « image mentale » précise d’évènements en cours.

– La lumière perçue, lors d’une NDE, est interprétée en référence aux premiers jours de la vie du nouveau-né. On retrouve ici l’interprétation de type Carl Sagan, critiquée plus haut.

Pour Patrick Dewavrin, la présence d’alternance entre obscurité et lumière « est une expérience fondatrice probablement des grandes représentations que nous avons tapies au fond de notre conscience ».

Il invoque le rêve éveillé dirigé, lequel consiste à demander à un patient de s’allonger sur un divan, de fermer les yeux, de se détendre et de faire un voyage en imagination. On demande par exemple à quelqu’un de descendre en imagination dans le noir, dans une grotte. A partir d’un certain moment, quand on descend dans le noir, on voit la lumière qui apparaît. Il y a, dit Patrick Dewavrin, une espèce de renversement symbolique qui s’opère. Quand on demande à quelqu’un de monter vers le ciel de plus en plus haut en imagination, à un moment donné il y a un obstacle, un blocage, et souvent de l’obscurité qui apparaît. La conclusion de Patrick Dewavrin, c’est que l’on a au fond de nous une espèce de géographie de notre imaginaire qui est tapie dans nos structures psychiques. On a l’impression, dit-il, « qu’il y a une alternance entre la lumière qui appelle l’obscurité, et l’obscurité qui appelle la lumière ». Et dans des états de stress très importants, « il est probable effectivement qu’on vit la coexistence de ces deux expériences extrêmes qui sont l’extrême de l’angoisse et l’extrême de l’extase ».

L’hypothèse formulée par Patrick Dewavrin est « qu’il y a des représentations universelles qui sont tapies au fond de la conscience humaine, et que la représentation de la lumière est probablement présente chez tout un chacun, et qu’à la limite tout le monde peut faire un jour une illumination ».

L’OBE et la NDE n’ont évidemment strictement rien à voir avec le rêve éveillé dirigé, ce dernier n’étant que le fruit de l’imagination. Comme nous allons le voir, le tunnel obscur perçu dans les NDE constitue une sorte de sas d’entrée au « monde super-lumineux » (le Plan astral). Quant à « la lumière », elle est inhérente au Plan astral, la référence à cette lumière se retrouvant, entre autres, dans des communications médiumniques.

Patrick Dewavrin reconnaît que la NDE a un pouvoir de transformation personnelle et que cette expérience est peut-être à l’origine du sentiment religieux. Ceci est parfaitement compréhensible dans la mesure où le rescapé a eu accès à un niveau transcendant de réalité, en relation avec l’univers de « l’Après-vie ». Il est, par contre, tout à fait invraisemblable qu’une simple « géographie de l’imaginaire tapie dans nos structures psychiques » puisse avoir une incidence de transformation spirituelle profonde comme celle constatée chez l’immense majorité des rescapés NDE.

La revue « Plein jour », de février 2000, a consacré un article aux NDE, l’accent étant mis sur le modèle de Susan Blackmore proposé par Patrick Dewavrin, modèle qui concerne la décorporation. Voici ce qu’on lit à ce propos dans les « Cahiers de IANDS-France » :

« On y trouve (…) le sempiternel argument de perceptions objectives inexactes, Patrick Dewavrin mentionnant toujours le seul cas qu’il ait connu – grâce à IANDS-France – d’une distorsion dans la perception de couleurs. Or, nous savons que ces erreurs sont très marginales et bien inférieures à celles de témoignages ordinaires, et qu’au contraire Michaël Sabom avait fait une étude comparative sur ces perceptions – avec ou sans NDE –, étude concluant favorablement à l’égard des NDE. »

Nous avons vu, par ailleurs, que les prétendues « erreurs » relevées par Patrick Dewavrin n’étaient pas nécessairement des erreurs…

II. NDE, spiritualité et science :

Philippe Chambon parle de « scientisme du New Age » (!) et pose la question : à quoi bon soutirer à la science « d’improbables preuves de l’existence de l’au-delà » ? Les scientifiques, écrit-il, « ont déjà tant de mal à résoudre les problèmes qui les préoccupent qu’on les voit mal investir leurs maigres crédits dans d’aussi vaines recherches ».

Comment peut-on dire que la question de l’existence et de l’immortalité de l’âme soit une « vaine recherche » ? Il s’agit là, en fait, du problème métaphysique fondamental – avec celui de l’existence de Dieu – qui concerne toute l’humanité.

Dans un numéro ultérieur de « Science et vie », on trouve les commentaires relatifs à la réception de lettres critiquant l’article de Philippe Chambon :

On « apprend » ainsi que les hypothèses spiritualistes « ne dérangent pas la science » – pourquoi, alors, les scientistes privilégient-ils systématiquement les interprétations matérialistes ? –, mais qu’elles « ne la concernent pas ». Raison invoquée :

« Ne disposant d’aucun moyen expérimental ou mathématique pour vérifier des hypothèses qui supposent l’existence d’un esprit indépendant de la matière, elle s’en tient à des hypothèses neurologiques et psychologiques, même fragiles. »

Merci pour la fragilité : de la fragilité à l’inanité il n’y a qu’un pas…

De plus, il existe en fait des données expérimentales ou tout au moins « matérielles », sous la forme par exemple de la réception de messages ou d’images sur des cassettes audio ou sur un écran de télévision. Ce type de recherche n’a rien de « vain »…

Concernant la référence, par plusieurs lecteurs, à la théorie des tachyons – voyez, dans le prochain texte sur les NDE, l’explication de ces dernières par le modèle de conscience « super-lumineux » –, l’auteur du texte se contente d’écrire qu’il s’agit d’une hypothèse invérifiable. Si cette dernière hypothèse est invérifiable, que dire alors des spéculations neurologiques et physiologiques qui, toutes, échouent lamentablement à rendre compte de l’intégralité de la phénoménologie des NDE ?

Les sensations de prescience et de « déjà vu » sont réduites au rang d’« illusions, d’hallucinations, de rêves ou d’affabulations », et si « ces expériences mystiques sont semblables dans plusieurs cultures, la science préfère attribuer cette similitude au fait que nous avons tous le même cerveau, plutôt qu’à l’existence d’une réalité surnaturelle ». Mais, ajoute l’auteur, « à quoi bon tenter de faire admettre à celui qui a vécu une expérience si “ réaliste ” qu’il s’agit d’une production de son cerveau ? ».

Notons d’abord que lorsque quelque chose existe, comme par exemple l’Univers « super-lumineux », ce « quelque chose » n’a rien de « surnaturel ». Ensuite, les expériences psychiques vécues par les rescapés NDE vont au-delà de simples impressions de « déjà vu », et certains cas de précognition relatés ne peuvent, à cause de leur précision, être ramenés au rang d’illusions, d’hallucinations, de rêves et d’affabulations. Enfin, la « préférence » de la « science » pour les explications matérialistes me fait penser au fait que je préfère les fraises aux noisettes…

L’auteur de l’article termine sa prose en déclarant que « les interprétations spiritualistes n’ont rien de scientifique ». Il n’y a, écrit-il, « pas d’explication rationnelle à l’irrationnel ». Qui oserait « demander à la science de démontrer l’existence de Dieu ? ».

Mais si tout est « rationnel », y compris le prétendu « irrationnel », on doit en déduire qu’il existe une explication « rationnelle » au prétendu « irrationnel ». Dire que les « interprétations spiritualistes n’ont rien de scientifique », cela revient à dire que celles-ci ne peuvent être prises en compte par ceux qui s’arrogent le droit de définir ce qui est réel de ce qui ne l’est pas, en fonction d’un paradigme dominant qui ne peut qu’être provisoire (et illusoire).

Philippe Chambon considère que rien, sinon le sentiment des témoins, n’étaye l’hypothèse de l’Au-delà dans les visions d’une NDE, ni celle d’une conscience indépendante du corps qui aurait accès à l’autre monde. Pourtant, nous avons vu plus haut que les données convergent pour montrer l’inanité des interprétations physiologiques, neurologiques et psychologiques, les NDE apparaissant dès lors comme de réels indices de la survie de la conscience après la mort.

III. NDE – OBE :

Jean-Pierre Jourdan mentionne l’hypothèse de Stanislav Grof et Joan Halifax, lesquels ont supposé que les troubles physiologiques tels que l’hypoxie, liés à l’imminence de la mort, « provoquent chez le sujet un état altéré de conscience (c’est-à-dire pour eux un état différent de la conscience ordinaire, ouvrant peut-être un accès à une réalité différente) qui serait susceptible d’activer des matrices inconscientes dont le déroulement serait perçu comme le vécu d’une NDE ». Cette interprétation est inexacte car elle laisse de côté l’élément central de la NDE : la décorporation. Il n’y a pas activation de « matrices inconscientes », mais plutôt une extériorisation de la conscience.

Parmi les interprétations psychologiques réductionnistes des expériences de décorporation, nous avons vu celle de Patrick Dewavrin. Il faut citer aussi celle du psychiatre des hôpitaux François Bing. Il parle d’hallucinations dont l’origine est à rechercher dans l’emploi d’anesthésiques, d’antalgiques ou de psychotropes. Or, j’ai donné plus haut les raisons pour lesquelles les médicaments employés ne pouvaient être à l’origine des perceptions de type NDE.

Pour François Bing, le phénomène de décorporation n’a plus de secret : il s’agit, selon lui, « d’un phénomène que l’on connaît très bien », à savoir le « clivage ». Face à une situation catastrophique, un des moyens de défense les plus efficaces consiste à mettre d’un côté une partie de soi qui va être la « partie saine », la « partie immatérielle », « à la limite la partie qui va être capable de survivre à l’événement traumatique, qui va regarder l’autre partie qui est la partie corporelle », la maladie, « à qui il va arriver des tas de malheurs » (sic !). Ce mécanisme de défense, le clivage, est quelque chose « que l’on rencontre très souvent dans des tas de situations de catastrophes ».

François Bing – comme Patrick Dewavrin et bien d’autres spéculateurs réductionnistes – est victime de la tendance pernicieuse, chez les « psy », qui consiste à interpréter une expérience que l’« expert » n’a pas vécue, et ce, en contradiction totale avec le vécu réel des sujets (en l’occurrence ici : une NDE ou une décorporation). Le clivage entre les parties saine et malade constitue une bien piètre explication du phénomène de décorporation, tout à fait incapable de rendre compte des caractéristiques intrinsèques de cette faculté d’extériorisation de la conscience, comme par exemple les perceptions exactes du « décorporé » alors que celui-ci est inconscient (procédure de réanimation, perceptions en dehors de la salle ou de l’hôpital).

On peut ajouter la perception des pensées des personnes présentes, la possibilité de traverser les murs, etc. De plus, la décorporation survient souvent en dehors de tout contexte de situation au seuil de la mort : impossible, dès lors, d’invoquer un clivage entre une partie saine et une partie malade, cette dernière étant alors absente !


Lisez la cinquieme partie de cet article

 

yogaesoteric
4 octobre 2019

 

Spune ce crezi

Adresa de email nu va fi publicata

Acest site folosește Akismet pentru a reduce spamul. Află cum sunt procesate datele comentariilor tale.

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More