Un cerveau plus jeune grâce à la méditation
Cette pratique aurait un effet neuroprotecteur, en amoindrissant la perte du volume cérébral consécutif à l’âge.
DÉCOUVERTE. Méditer protégerait notre cerveau du déclin ! Telle est la découverte étonnante qu’a faite une équipe de l’université de Californie de Los Angeles, menée par Eileen Luders. Pour démontrer cela, 100 personnes de 24 à 77 ans ont été recrutées. 50% pratiquaient la méditation depuis quatre à quarante-six ans. L’autre moitié constituait le groupe témoin. Tous ont passé une IRM qui a révélé l’anatomie de leur cerveau. Sur les clichés, l’observation est sans appel : si, avec l’âge – et comme on le savait déjà –, la matière grise (corps cellulaires des neurones et connexions) se réduit d’une façon générale dans les deux groupes, la « pente de régression » n’est pas la même. Celle du groupe témoin était « considérablement plus raide » que celle du groupe des « méditants ». Avec, localement, un effet encore plus marqué dans certaines zones comme l’hippocampe impliqué dans la mémorisation. Autrement dit, la pratique mentale amoindrirait la perte inéluctable du volume cérébral selon les auteurs.
La méditation stimulerait ainsi la genèse des branches des neurones et des connexions
Par quel mécanisme ? Les sujets en méditation, souvent assis en lotus yeux mi-clos, semblent se reposer. Il n’en est rien ! En réalité, ils pratiquent un exercice mental puissant. Celui-ci consiste à entraîner son esprit à focaliser son attention sur ses sensations, sur le moment présent, puis à apprendre peu à peu à les réguler. Le but étant de ne pas se laisser distraire. Or, en réalité… c’est impossible ! L’esprit se détache sans cesse de l’objet de son attention pour vagabonder. Une pensée, un son, une sensation et hop ! L’esprit divague. Tout l’exercice consiste donc à prendre conscience de ce vagabondage et à ramener son attention à nouveau sur l’objet. Un exercice finalement extrêmement exigeant. Selon les auteurs américains, comme toute autre activité mentale intense, la méditation stimulerait ainsi la genèse des branches des neurones (dendrites) et des connexions (synapses). Ces microchangements anatomiques aboutissant à un gain global de matière grise qui compenserait la perte due à l’âge. La méditation agirait également en réduisant le niveau de stress, délétère pour les neurones.
BIENFAITS. Cette étude est la suite logique d’une longue série prouvant les bienfaits de cette pratique sur le cerveau. En 2005, le Dr Sarah Lazar du Massachusetts General Hospital, à Boston (États-Unis) détectait déjà chez des « méditants » réguliers un épaississement du tissu cérébral du cortex préfrontal gauche impliqué dans les processus cognitifs, émotionnels et le sentiment de bien-être. En 2010, cette même chercheuse montrait aussi un grossissement de l’hippocampe et un rétrécissement de l’amygdale (sensible à la peur). Le cerveau méditant paraît aussi mieux connecté. En 2012, Eileen Luders s’est ainsi aperçu, grâce à l’IRM de diffusion, quelles fibres neuronales (la matière blanche) de personnes qui méditent sont plus nombreuses et plus denses entre les différentes régions cérébrales et qu’il y a déjà « considérablement » moins de perte liée à l’âge que chez des témoins.
La pratique de la méditation apprend à réaffecter ses ressources attentionnelles et à ne pas se laisser distraire
Mais les bénéfices ne sont pas que structurels. Dès 2009, Antoine Lutz, chercheur français au laboratoire de Richard Davidson de l’université de Wisconsin-Madison (États-Unis) – le premier à avoir mené des travaux d’imagerie sur le cerveau des moines bouddhistes en 2001 – aujourd’hui au Centre de neurosciences de l’Inserm à Lyon, en révélait les bienfaits cognitifs : « Notre étude sur des méditants intensifs (huit heures par jour) montre, au bout de trois mois que lors d’exercices d’attention soutenue, le temps de réaction varie moins qu’avant l’entraînement et la réponse cérébrale est plus stable. » (Sciences et Avenir n° 797, juillet 2013). Auparavant, en 2007, il découvrait que cette pratique permettait de cultiver une plus grande flexibilité cognitive. « Lorsque vous rencontrez une émotion négative, vous aimeriez pouvoir vous en désengager de manière flexible. Notre étude montre que la pratique de la méditation apprend à réaffecter ses ressources attentionnelles et à ne pas se laisser distraire. »
La méditation améliore l’attention mais pas seulement. Catherine Kerr chercheuse à l’université Brown (Providence, États-Unis) présentait elle aussi sa théorie dans une publication (Frontiers in Human Neuroscience, 2013) : l’exercice mental permettrait d’apprendre à moduler ses sensations, tel le bouton du volume d’une chaîne stéréo. Catherine Kerr note que cette capacité à réguler ses sensations est indispensable au bien-être, qu’elle peut aider les personnes dépressives à gérer les pensées négatives ou les malades leurs douleurs chroniques.
La méditation médicale
L’utilisation « médicale » de la méditation remonte à la fin des années 1970 quand un scientifique américain convaincu, Jon Kabat-Zinn professeur de médecine émérite à l’université du Massachusetts, docteur en biologie moléculaire, a eu l’idée révolutionnaire de « laïciser »la pratique des moines bouddhistes pour n’en garder que l’aspect pratique. Kabat-Zinn a ainsi développé un programme baptisé « réduction du stress à partir de la pleine conscience » (en anglais Mindfulness Based Stress Reduction, ou MBSR) à base de yoga et, surtout, de méditation. Les essais réalisés par Kabat-Zinn sur des patients ont montré que cette pratique prévenait la rechute de la dépression, la douleur chronique, la gestion du stress ainsi que de nombreuses maladies liées aux troubles de l’humeur. Les National Institutes of Health américains ont alors lancé des études pour comprendre les mécanismes cognitifs et neuronaux sous-tendant ces résultats cliniques. Aujourd’hui le MBSR (ou le MBCT, Mindfulness Based Cognitive Therapy, spécifique à la dépression) est proposé dans près de 200 hôpitaux américains. La France commence seulement à s’y intéresser de près. Le premier diplôme universitaire a été inauguré en 2013 l’université de Strasbourg.
Les 4 phases de la méditation
Que se passe-t-il sous notre crâne lorsqu’on médite ? Wendy Hasenkamp, neuroscientifique de l’université d’Atlanta (États-Unis) et son équipe ont demandé à des méditants expérimentés de pratiquer pendant vingt minutes allongés dans un scanner et d’appuyer sur un bouton dès qu’ils prenaient conscience que leur esprit s’échappait. Résultat : l’équipe a découvert que le cerveau traversait un cycle de quatre phases, identifiables par l’activation de quatre réseaux neuronaux différents (logiquement) liés à l’attention (voir l’infographie ci-dessous). Ce cycle cognitif se répète maintes fois durant la séance de méditation, modifiant l’état de conscience de l’individu, et finissant par déclencher un sentiment de bien-être.
yogaesoteric
16 décembre 2016