Facebook redouble de nouveautés pour vous espionner … et ça fait peur

Vous l’avez sûrement remarqué, les suggestions de « nouveaux amis » pullulent lorsque vous vous connectez à Facebook. La façon dont ces derniers sont préconisés peut paraître évidente avec une logique a priori simple : les amis de mes amis sont amis. Mais en réalité, les algorithmes peuvent vous associer avec des inconnus de manière diablement plus sophistiquée qu’une interaction humaine classique. Au point de passer pour de l’espionnage.

Imaginez : vous êtes dans un bar. Vous croisez une multitude de personnes, parlez brièvement à un ou plusieurs inconnus. Le lendemain, bien que vous n’ayez aucune relation en commun, ces personnes apparaissent dans votre liste de suggestions « des personnes que vous pourriez connaître ». L’entreprise assure depuis longtemps ne pas utiliser la localisation de votre smartphone pour vous suggérer des amis. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’est pas capable de le faire.

Car, cette fonctionnalité existe depuis plus de quatre ans, lovée dans les serveurs de l’entreprise. Un ingénieur de Facebook a ainsi révélé, en 2014, qu’il leur est possible de détecter que deux smartphones sont au même endroit en même temps. Mais il y a encore plus intrusif : en comparant les données de chaque téléphone disponible, le réseau social est capable de déterminer si les personnes se font face ou marchent ensemble. Avec cette fonctionnalité, comme le remarque le site américain Gizmodo, le réseau social est donc capable de vous suggérer des individus en fonction de vos interactions. En clair, si vous leur avez parlé, le réseau social peut a priori le deviner ; l’inconnu pourrait alors apparaître dans votre liste « de personnes que vous pourriez connaître ». Si vous n’avez pas interagi, l’algorithme choisirait alors de ne pas vous le proposer. L’entreprise n’a pour l’instant jamais confirmé utiliser cette hypothèse pour vous suggérer des amis, et ce malgré la constatation de suggestions troublantes chez les utilisateurs.

La géolocalisation : plus d’amis = plus d’argent

Pourquoi autant d’insistance de la part de Facebook pour nous faire multiplier les « amis » ? Évidemment, pas par pur désir altruiste de sauver notre vie sociale. Mais parce qu’il parie sur la capacité à nous faire interagir sur le réseau social. C’est ce même désir d’engagement qui a poussé Mark Zuckerberg, ce mois-ci, à expliquer que désormais, ses algorithmes seraient d’autant plus résolument tournés vers les proches des utilisateurs. Car plus nous sommes actifs, présents sur le réseau, plus nous consommons de la publicité. Cette théorie est même inscrite dans un de leurs brevets : provoquer des réactions – des commentaires, des likes, en bref, de l’engagement – sur leur réseau « correspond à une augmentation, par exemple, des opportunités publicitaires. »

Mais pour multiplier les opportunités publicitaires, la plateforme a bien d’autres moyens de deviner si vous avez fait la connaissance d’autres personnes, et ce sans utiliser la géolocalisation. Sur Facebook, plusieurs sources peuvent aider le réseau à identifier ce que fait une personne. Il y a évidemment les choses que vous faites, les informations que vous donnez sciemment au réseau. Ensuite, il y a celles que vos « amis » publient sur vous. Et puis, il y a le reste, la zone grise. Les données que vous donnez en acceptant la politique de confidentialité et le règlement des applications, mais sans en avoir vraiment conscience. Est-ce que c’est légal ?

« Conformément à la loi française de 1978 et à la directive européenne de 1995, une entreprise ne doit collecter que les données qui sont nécessaires aux finalités de son traitement, explique Suzanne Vergnolle, doctorante en droit sur la vie privée et la protection des données à l’Université Paris Assas. La politique de confidentialité de Facebook est effectivement longue et souvent floue. Plus les finalités sont floues, et plus il a la possibilité de collecter des données. »

Votre « profil de l’ombre » dit tout de vous

Parmi ces données que vous apportez à Facebook, il y a d’abord les applications de votre smartphone. Celles que Facebook s’empresse de piller en profitant des autorisations d’accès que vous lui donnez quand vous ouvrez Messenger sur votre téléphone.

Prenons le cas de figure où vous acceptez de partager vos contacts WhatsApp, ou d’une autre application de messagerie. A ce moment-là, les données récoltées atterriront directement dans les serveurs de la firme californienne. C’est ici qu’intervient le terme énigmatique de « shadow profile », ou « profil de l’ombre » que la plateforme constitue sur chacun de ses utilisateurs.

« Des personnes peuvent se connaître dans la vraie vie, mais pas sur Facebook. Soudain, elles peuvent être recommandées l’une à l’autre alors qu’elles n’ont aucun lien en ligne visible. Tout ça, à cause de leur profil de l’ombre, leur profil caché », explique Jeramie D. Scott, du centre de recherche sur la vie privée électronique, basé à Washington.

Le profil de l’ombre

Les données qui constituent ce « profil de l’ombre » ne viennent pas exclusivement de votre compte, mais également de celui de vos amis qui pourraient poster un contenu vous concernant. Ces éléments ne vous seront jamais accessibles. Le shadow profile reste consigné dans les registres de l’entreprise sans que vous ne puissiez le consulter. A dire vrai, vous ne devriez même pas être au courant de son existence : c’est un bug qui, en 2013, l’a révélé au grand public.

Reconnaître vos photos par la poussière de votre téléphone

Parmi les données reines qui se bousculent sur celui-ci, il y a bien évidemment les photos.

« Facebook est constamment en train d’améliorer son intelligence artificielle pour qu’elle puisse collecter plus de données sur ses utilisateurs, détaille Jeramie D. Scott. Ils veulent identifier des personnes, mais aussi des objets, pour au final cerner le contexte de la photo. »

La plateforme utilise en effet des techniques de plus en plus sophistiquées pour mieux les identifier.

Il peut déterminer, en analysant les éventuelles traces de poussière présente sur les clichés importés, que la photo a été prise à partir du même appareil, mais aussi si des photos téléchargées sur le compte proviennent d’une série identique. Là encore, la plateforme assure pourtant ne pas avoir mis – pour l’instant – cette technologie en action. Comme le relève Gizmodo, Facebook dépose souvent des brevets pour des technologies qu’il assure ne jamais implanter. C’est ce que l’entreprise a fait par exemple en 2015, pour son algorithme de reconnaissance des photos. Depuis décembre dernier, aux États-Unis, la plateforme a élargi la façon dont elle utilise la reconnaissance faciale pour permettre aux utilisateurs de se retrouver. Quand quelqu’un poste un cliché sur le réseau social, les utilisateurs américains visibles sur la photo reçoivent désormais une notification, même s’ils ne sont pas tagués. Cette fonctionnalité n’est pas disponible au Canada ou dans l’Union Européenne à cause des lois sur la protection des données qui restreignent l’utilisation de la reconnaissance faciale. Mais elle existe tout même dans les algorithmes de Facebook.

Quand Facebook entre dans votre tête

Les photos, la localisation, vos contacts cachés… Mais pas seulement ! Facebook peut également savoir quel est l’état de votre moral. Vous vous sentez triste ? Il y a de très fortes chances que le réseau social soit au courant. En mai 2017, un rapport interne à l’entreprise, publié par le journal The Australian, démontrait que ses algorithmes pouvaient déterminer en temps réel comment les adolescents pouvaient se sentir « stressés », « surchargés », « anxieux » ou encore avoir l’impression d’être «un échec ». 

Après la publication de cette enquête, Facebook s’est d’abord excusé, assurant ouvrir une enquête interne. Puis, revenant sur sa communication quelques jours plus tard, la société a choisi d’oublier les excuses et de publier un simple message, assurant que « l’analyse effectuée par le chercheur australien avait pour but d’aider les publicitaires à comprendre comment les gens s’expriment sur Facebook ».

Une simple expérience donc, mais ayant pour bénéficiaires les véritables clients du réseau social : les annonceurs. Toutefois, l’entreprise l’assure, les résultats n’auraient « jamais été utilisés pour cibler des publicités ».

En France, si les règles auxquelles sont soumises Facebook sont plus strictes que celles des États-Unis, vos données s’envolent donc toujours dans des serveurs en Californie, et ce de manière toujours plus créative. Le nouveau règlement européen de protection des données, qui entrera en vigueur en mai 2018, pourrait contribuer à préserver un peu de votre intimité – mais dans la limite de ce que vous, personnellement, consentez à ne pas partager. Car la seule manière d’avoir réellement le contrôle sur sa vie privée semble aujourd’hui de supprimer son compte.



yogaesoteric

21 avril 2018 

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