Les expériences au seuil de la mort (19)

Par Alain Moreau

Lisez la 18ème partie de cet article

Jean-Pierre Jourdan (que l’on a par ailleurs vu, en 2010, dans une émission du magazine de M6 : « Expériences extraordinaires »), c’est le « service minimum » à propos du caractère inexpliqué des EMI.

Jean-Pierre Jourdan

Il ne défend pas l’explication faisant intervenir l’accès à l’Au-delà, se contentant de parler de « cinquième dimension » (en relation avec les nouvelles capacités de perception des « expérienceurs » lorsque ceux-ci se trouvent décorporés)… Nul doute qu’il n’apprécie guère les prises de position de son collègue médecin Jean-Jacques Charbonier, ce que j’ai pu comprendre en lisant certains de ses propos (et ce, même s’il ne cite pas nommément l’anesthésiste/réanimateur), ce dernier défendant ouvertement (avec raison, d’ailleurs) l’explication « survivaliste » (la survie de la conscience après la mort) des EMI. Il ne faut donc pas s’étonner que Jean-Pierre Jourdan range au rang des « âneries » et des « explications fumantes » les références à Dieu… Je développe ce point plus loin dans : 8. Dieu et les NDE.

Quelle peut bien être cette théorie, que Jean-Pierre Jourdan appelle de ses vœux, qui bouleversera les sciences médicales et permettra de découvrir l’origine des EMI ? Eh bien, à vrai dire, elle est toute trouvée, car je la développe dans diverses pages sur ce site : c’est un corps subtil (« astral », etc.) qui est le siège de la conscience après la mort, et c’est celui-ci qui, en s’extériorisant temporairement hors du corps pendant l’épisode d’EMI, permet à l’« expérienceur » (qui n’est pas autre chose qu’un « décorporé ») d’éprouver les diverses sensations, perceptions et « rencontres » relatives à son vécu extracorporel. Cette explication est connue depuis bien longtemps dans les milieux médiumniques, occultistes et ésotériques. Hélas, les scientifiques ne sont pas prêts à reconnaître cela ! Certes, en attendant, certains parlent de « non localité de la conscience », sans se rendre compte, ou sans vouloir reconnaître, que cette « conscience extra-cérébrale » correspond tout simplement… au corps astral (ou corps psychique, etc.) de certains ésotéristes (dont je fais partie) !

Le psychologue clinicien et psychanalyste lacanien Pascal Le Maléfan donne, quant à lui, son interprétation psychologique réductionniste et primaire des NDE, qu’il formule en ces termes :

« J’ai rencontré de nombreuses personnes ayant expérimenté une EMI. Ces expériences surviennent dans le contexte de stress intense que provoque un accident grave, un danger de mort. Face à une telle situation d’urgence vitale s’engage une série de réactions psychologiques et neurophysiologiques. Le psychisme de la personne crée des scénarios fantasmatiques pour continuer à se projeter vivant, hors de son corps : c’est la décorporation, relatée par de nombreux survivants. Une sensation de bien-être intense est aussi souvent évoquée, qui s’explique par l’ambiguïté de chaque individu face à sa propre mort, qui l’attire autant qu’elle l’angoisse. L’une des facultés du psychisme humain est d’élaborer ces scénarios, comparables aux rêves. Comme dans ces derniers, on y retrouve des éléments du vécu personnel mêlés à des thèmes récurrents : sortie du corps, lumière, rencontre avec des proches disparus… Tout comme il existe des rêves universels, tel celui d’être capable de voler ou celui de la chute sans fin. Et comme ces récits sont racontés après coup, même peu après, il y a toujours une part de reconstruction mentale. Pour autant, il ne faut pas considérer ces personnes comme des mythomanes, rejeter leur récit ou le qualifier d’illusion : il faut avant tout les écouter et tenter de les aider à trouver en elles des éléments de compréhension. »

Nous avons, dans ce texte, un condensé d’inepties. Rectifions ces fadaises.

Pascal Le Maléfan a rencontré, dit-il, de nombreuses personnes ayant expérimenté une EMI. Il est donc étonnant qu’il en soit arrivé à des conclusions si éloignées de la réalité vécue par les personnes qui lui ont livré le contenu de leur récit. Car ses conclusions ne cadrent pas du tout avec ce que la plupart des chercheurs confrontés à des témoins d’EMI ont pu mettre en évidence. Il faut voit là, bien sûr, l’influence néfaste de sa formation de psychanalyste lacanien (ou de psychologue clinicien formaté)…

D’abord, il est aberrant d’expliquer le contenu des EMI (et donc la décorporation) par l’élaboration de « scénarios fantasmatiques ». Ce type d’explication simpliste et réductionniste a été formellement démenti depuis les premières études faites par les pionniers en matière de recherche sur les NDE : Raymond Moody, Kenneth Ring, Michael Sabom, etc. Tous ces auteurs ont montré que les explications simplement psychologiques (dépersonnalisation, projection de fantasmes, rêves, simples hallucinations, etc.) étaient inaptes à rendre compte de la séquence des visions relatives aux EMI. Un argument parmi bien d’autres : il est bien connu que les fantasmes varient en fonction des individus, alors que le contenu des témoignages d’EMI présente au contraire une remarquable cohérence dans les diverses séquences décrites, à tel point que l’on peut parler (avec des variantes), à ce propos, de « scénario-type »…

On ne peut pas davantage parler de scénarios comparables aux rêves, les « experienceurs » disant qu’il ne s’agissait pas de rêves. Je remets ici ce que j’ai déjà signalé dans « Les expériences au seuil de la mort. »

Peut-on alors parler de rêves ? Ceci n’est pas possible pour plusieurs raisons. Raymond Moody a noté que les enquêtés relatent ce qui leur est advenu aux approches de la mort, non pas comme on raconte un rêve, « mais de la façon dont on rapporte des faits qui ont réellement eu lieu ». A peu près invariablement, au cours de leur narration, ils « s’interrompaient pour réaffirmer que leur expérience n’était pas un rêve, mais bien décidément, catégoriquement, la réalité ».

Raymond Moody

Michael Sabom et Kenneth Ring ont découvert que les enquêtés rapportant à la fois des hallucinations et une « expérience du substrat » « savaient clairement distinguer les unes de l’autre ». Michael Sabom a de même noté que la NDE « est ressentie comme fortement réelle par le sujet, aussi bien quand il la vit que, plus tard, quand il y pense ». Enfin, note-t-il, « l’extrême variété du contenu des rêves d’une personne à l’autre contraste avec la constance des schémas de l’expérience aux frontières de la mort ». (Références : Kenneth Ring, « Sur la frontière de la vie », éditions Robert Laffont, 1982, p. 232 ; Michael B. Sabom, « Souvenirs de la mort », éditions Robert Laffont, 1983, p. 255.)

Quant aux « rêves universels » : être capable de voler et celui de la « chute sans fin », ils sont clairement explicités, par de nombreuses sources, comme étant le souvenir plus ou moins déformé de réelles sorties hors du corps réalisées pendant le sommeil. On notera à ce sujet que de nombreuses sources ésotériques et médiumniques, ainsi que diverses peuplades, déclarent que l’âme (ou plutôt le « double ») quitte le corps pendant le sommeil. Et on notera également que les rêves dits « lucides » (ou « éveillés ») présentent des similitudes avec les visions de type EMI, ainsi que l’a noté Danielle Vermeulen dans son livre : « NDE et expériences mystiques d’hier et d’aujourd’hui » (éditions Le Temps Présent, 2007, p. 92-93, 96) :

Danielle Vermeulen note que contrairement aux rêves, les rêves éveillés présentent entre eux « de grandes similitudes en ce qui concerne le vécu subjectif, tant dans ses modalités que dans les répercussions qu’il provoque ».

« Par rêve éveillé, il convient d’entendre un état modifié de conscience se manifestant hors sommeil. La personne a la conscience de son rêve. Elle SAIT, dit-elle, qu’elle est en train de rêver dans un état très proche de l’éveil ou de l’endormissement.

A l’inverse du rêve vécu durant une période de sommeil paradoxal, elle perçoit la réalité de ce vécu, en même temps qu’elle le vit. Cet état a été étudié par Celia Green, directrice de l’Institut de Recherches Psychophysiques d’Oxford, et par Patricia Garfield, docteur en psychologie.

Pour un certain nombre de ces personnes, ces rêves en état d’éveil sont très proches des EMI avec atteinte physique grave. Le contenu en est bref et les épisodes cohérents, semblables souvent à ceux des EMI, notamment celui de la décorporation où le sujet perçoit son corps de l’extérieur. » (D. Vermeulen)

De plus, « contrairement à la plupart des rêves mémorisés avec effort, ou oubliés au moment de l’éveil », le rêve éveillé, « de nombreuses années après, demeure fixé d’une manière très présente dans la mémoire ».

« Si les situations déclenchantes sont différentes de celles de l’EMI avec atteinte physique grave, la phénoménologie en est proche, ainsi que les sensations, les sentiments et les répercussions. » (D. Vermeulen)

Elle note que les rêves lucides ou éveillés sont, dans leur vécu transcendantal, très proches de l’EMI. Les « rêves lucides » ou « éveillés » s’apparenteraient donc tout à fait à de réelles décorporations.

Pascal le Maléfan évoque plusieurs éléments dans les récits obtenus, tout en en donnant une interprétation simpliste. Rectifions ici ses interprétations :

La sortie du corps, la lumière et la rencontre avec des proches disparus, ne sont pas cohérents avec de simples rêves, mais ils le sont par contre tout à fait dans la perspective d’une réelle sortie hors du corps à l’approche de la mort (comme lors d’une décorporation en dehors de tout contexte « mortel »).

Les « éléments du vécu personnel » sont une vraisemblable allusion à la vision panoramique de l’existence écoulée. Or, cette vision, très bien explicitée dans la littérature « occultiste » ou « ésotérique », fait partie intégrante de la première phase du processus post mortem. 

La sensation de bien-être intense s’explique par la libération de la conscience (via l’extériorisation du corps subtil) de l’enveloppe corporelle souffrante, et absolument pas par cette stupide « explication » : l’ambiguïté de chaque individu face à sa propre mort, qui l’attire autant qu’elle l’angoisse !

Il y a aussi le « coup », classique, de la « reconstruction mentale ». Malheureusement pour Pascal le Maléfan (et tous ceux qui invoquent ce « mécanisme »), cette fausse réalité est contredite, notamment, par l’étonnante similitude des récits obtenus.

On notera que Pascal Le Maléfan intervient au niveau de l’Institut Métapsychique International (exemple : le 29 janvier 2011, avec d’autres intervenants, sur le thème : Psychanalyse et clinique des expériences exceptionnelles), et qu’il s’intéresse donc à la parapsychologie. On ne s’étonnera cependant pas de son interprétation matérialiste et réductionniste des EMI, les parapsychologues en général étant par ailleurs plutôt réfractaires à l’explication « survivaliste » ou spirite de certains phénomènes psi.

On trouve aussi, dans l’article de « Version Femina », le commentaire d’une bouddhiste, Marie-Ange Cambois :

« A aucun moment, les maîtres spirituels ne mentionnent les expériences de mort imminente. Je me souviens qu’au cours d’un enseignement de Dagpo Lama Rinpoché, quelqu’un avait précisément évoqué ces phénomènes. Sa réponse avait été claire : on ne peut pas établir le lien entre les textes, ceux du Bardo Thödol par exemple, et les EMI. Les textes bouddhistes décrivent de façon très précise les quatre stades ultimes de la mort, la résorption progressive des capacités sensorielles et les visions qui les accompagnent. Le livre Vaincre la mort et vivre une vie meilleure, de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, les expose très clairement : “ Lorsque les quatre éléments (terre, eau, air, feu) se dissolvent, des illusions variées apparaissent. Parfois, avant même que l’œil et l’oreille ne cessent de fonctionner, des images et des sons inhabituels se font entendre. Des visions de toute sorte font surface à la conscience. ” Une fois cette étape franchie, se succèdent trois esprits plus subtils : “ Ciel-mental d’une blancheur éclatante, ciel-mental rouge orangé, et ciel-mental d’un noir profond.” Ces trois niveaux conduisent au niveau très subtil de la conscience, l’“ esprit de claire lumière ”. »

Il n’y a pas de rapport entre les EMI et le contenu du « Bardo Thödol » ? Il est étonnant que cette bouddhiste, qui cite Dagpo Lama Rinpoché, ne mentionne pas Sogyal Rinpoché, pourtant l’auteur d’un livre très connu : « Le livre tibétain de la vie et de la mort » (éditions de La Table Ronde, 1993), qui fait justement le rapprochement entre le « Bardo Thödol » et les EMI, ce livre étant par ailleurs préfacé (il s’agit d’un « avant-propos ») par le Dalaï-Lama !

Voici, en outre, ce qu’a noté Danielle Vermeulen dans son étude comparative du contenu des EMI et des textes du « Bardo Thödol » :

« Si nous effectuons un regroupement des événements vécus dans ces EMI, nous les retrouvons, en majorité, dans les textes du “ Bardo thos grol ” :

– La vision de la Claire Lumière.

– La décorporation.

– L’incapacité à réaliser l’état de mort.

– L’incommunicabilité avec les vivants.

– Les déplacements aisés et immédiats.

– Le tunnel et les bruits.

– La vision panoramique de la vie écoulée.

– Le jugement et son verdict.

– La vision de déités paisibles ou irritées. »

(Danielle Vermeulen, « NDE et expériences mystiques d’hier et d’aujourd’hui », JMG éditions, 2007, p. 268.)

Finalement, des divers « intervenants » de l’article de « Version Femina », le commentaire que je préfère est bien sûr celui du médium Henry Vignaud, car ce qu’il dit correspond tout à fait à ce que je dis moi-même à propos des EMI :

« Je m’intéresse de près aux expériences de mort imminente, comme à tous les phénomènes paranormaux. En Grande-Bretagne, au Japon ou ailleurs, des recherches sérieuses sur ces phénomènes associent scientifiques, hommes de foi et médiums. Vivre une EMI c’est aller au seuil de la lumière, quand la corde d’argent qui relie le corps et l’âme est sur le point de rompre, sans pour autant franchir cette limite qui ne permettrait pas de réintégrer le corps physique. Ceux qui sont passés par là ont été dans le transit, on leur a montré un aperçu de l’au-delà. A la suite de ce type d’expérience, certaines personnes développent des perceptions, des dons de guérison, de voyance. Il est intéressant de voir que presque tous ceux qui en ressortent vivent dans la nostalgie de cet état. Ils sont rassurés, emplis de plénitude, convaincus qu’il se passe quelque chose après. Une EMI permet une ouverture de conscience parfois spectaculaire, une mutation intérieure. Dans la majorité des cas, elle m’apparaît comme un cadeau merveilleux fait à ceux qui la vivent, une seconde chance spirituelle, dans un contexte dramatique d’accident ou de problème de santé. »

A noter qu’Henry Vignaud est l’auteur de : « En contact avec l’invisible » (Dunod-InterEditions, 2011). On l’a notamment vu, en juin 2010, dans un documentaire de la série (de Stéphane Allix) de cinq émissions : « Enquêtes extraordinaires », sur M6. Le 2 février 2011, il a donné une conférence à Paris, dans le cadre de l’INREES. 

Lisez la 20ème partie de cet article

 

 

yogaesoteric

8 décembre 2019

 

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