Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir (2)

par William F. Wertz

Lisez la première partie de cet article

La conspiration pour mettre Hitler au pouvoir

Dans son livre, John Perkins décrit son propre passé de tueur à gages économique pour le compte d’une oligarchie financière. Il explique que lorsque les tueurs à gages ne réussissent pas à faire plier le pays concerné, on déploie alors les « chacals » pour exécuter les basses œuvres : assassinats ou coups d’Etat.

En cas d’échec des chacals, c’est à l’armée d’intervenir directement. En un sens, IG Farben était le tueur à gages économique de l’oligarchie financière de l’époque et les nazis, les chacals.

En 1930, Schacht démissionne de la Reichsbank, à cause de différends avec le gouvernement de Weimar. Comme Hitler, qu’il allait soutenir, Schacht est contre la poursuite du versement des réparations de guerre et, comme Hitler, il prône une austérité brutale pour la classe laborieuse, à travers la militarisation de l’économie.

Schacht exprimera clairement ce point de vue dans un discours prononcé le 20 octobre 1930 lors d’une conférence de la Foreign Policy Association à New York, intitulée « Le plan Young et l’économie mondiale ». Etait également présent son collègue de longue date, John Foster Dulles.

Schacht critique à cette occasion les sociaux-démocrates allemands qui veulent élever le niveau de vie des travailleurs aux dépens des 80.000 Allemands les plus riches. L’Allemagne, note-t-il, a un déficit commercial de plus de deux milliards de marks, dû au manque de matières premières. En outre, elle doit payer pour 1,5 milliard de marks-or par an en intérêts et en amortissement des dettes privées, plus environ 2 milliards de marks en réparations de guerre. Au total, l’Allemagne doit verser à l’extérieur plus de 5 milliards de marks par an, prélevés sur son excédent commercial.

« Pour réaliser cet excédent commercial, nous devons importer les matières premières nous permettant de fabriquer nos biens. Pour atteindre cet objectif, nous devons augmenter le commerce actuel de près de 50 %. Je pense que les pays alliés (…) ne l’accepteront pas. (…) »

Schacht conclut son discours en faisant l’éloge des « hitléristes » qui viennent d’obtenir de bons scores aux élections allemandes. Le soutien reçu par Hitler dans ces élections, où il avait fait campagne contre le paiement des réparations, est qualifié par Schacht d’« avertissement pour le monde » :

« Mesdames et Messieurs, les derniers événements politiques en Allemagne ne signifient pas que quelque chose de violent ou de révolutionnaire va se produire. Ils représentent simplement une forme de protestation dans les limites légitimes de la Constitution. Je pense que c’est un grand avantage de la démocratie moderne que l’on puisse ressentir, à partir du vote constitutionnel, les sentiments et les opinions d’un grand peuple. Voilà ce que signifient ces dernières élections. Même les hitléristes, même ces radicaux de droite, ne feront rien de violent. Tout ce qu’ils demandent, c’est de ne pas devoir devenir malhonnêtes, de ne pas être obligés, par les circonstances politiques, de se trouver dans une situation qui les amène à perdre le respect de soi. Ils veulent garder le respect d’eux-mêmes, et c’est pourquoi ils ont envoyé cet avertissement au monde. »

Peu après, Schacht commence à organiser du soutien pour Hitler et son Parti des travailleurs allemands national-socialiste (NSDAP, le parti nazi). En 1931, après des discussions avec Hitler et Hermann Göring, Schacht pousse le chancelier Brüning à accepter le NSDAP dans le gouvernement. Puis, en novembre 1932, en tant que membre d’une organisation appelée Cercle des amis de l’économie, Schacht lance une pétition dans les cercles industriels et financiers, appelant le président Hindenburg à nommer Hitler chancelier. Ce qui fut fait le 30 janvier 1933, après une réunion avec le chancelier Franz von Papen et Hitler chez le baron Kurt von Schröder à Cologne.

Néanmoins, le Parti nazi est loin d’être assuré de la victoire aux élections de mars. Par conséquent, le 20 février 1933, Göring invite 20 grands industriels et banquiers à écouter un discours d’Hitler sur l’« entreprise privée ». Göring leur demande alors un soutien financier et Schacht se fait encore plus explicite : « A cette table, nous devons collecter un fond de 3 millions de marks. »

Von Schnitzler, qui participait à la réunion, en présente un compte-rendu au conseil d’administration d’IG Farben. Celui-ci verse alors 400.000 marks, la plus grosse contribution individuelle à la campagne d’Hitler. Le lendemain intervient l’incendie du Reichstag, qu’Hitler met sur le dos des communistes, alors qu’il était en réalité instigué par Göring. Hitler utilise cet incendie comme prétexte pour imposer des décrets d’urgence. Tel fut le premier acte d’Hitler et des nazis après réception du don d’IG Farben.

Il était clair pour Schacht et ceux qui le soutenaient à Londres et à Wall Street, que seul Hitler aurait la capacité d’imposer le niveau d’austérité qu’ils jugeaient indispensable. Ainsi, le 16 mars 1933, après la consolidation du pouvoir du Führer, Schacht reprend son poste de gouverneur de la Reichsbank. Plus tard dans l’année, John Foster Dulles, en tant que représentant de Brown Brothers Harriman, Dillon Read, Kuhn Loeb, ainsi que de toutes les banques d’investissement privées et firmes de Wall Street, se rend à Berlin pour négocier avec Schacht le financement du nouveau gouvernement. Il est accompagné d’un subalterne de Sullivan et Cromwell et de trois employés de la Chase Bank.

En août 1934, Schacht est nommé ministre de l’Economie, poste qu’il conservera jusqu’en novembre 1937. De 1935 à 1937, il sert aussi de plénipotentiaire pour l’économie de guerre. Ce n’est qu’en janvier 1939 qu’il démissionnera de la Reichsbank, à cause d’une querelle juridictionnelle avec Hermann Göring, devenu le dictateur économique virtuel. Schacht reste néanmoins ministre sans portefeuille jusqu’en 1943.

Bien avant son arrivée au pouvoir en 1933, Hitler jouissait d’un soutien substantiel de la part des cartels privés. Le cas le plus fameux est celui de Fritz Thyssen, de Vereinigte Stahlwerke. Dans un livre publié en 1941 sous le titre J’ai financé Hitler, Thyssen admet qu’il avait commencé à financer Hitler en octobre 1923 avec une première contribution de 100.000 marks.

En 1922, W. Averell Harriman s’était rendu à Berlin pour établir la filiale berlinoise de W.A. Harriman & Co. Selon des enquêteurs du gouvernement américain, « à un certain moment avant 1924 », Harriman et Thyssen s’étaient mis d’accord pour créer une banque de Thyssen à New York. C’est ainsi qu’en 1924, fut créée la Union Banking Corp., en tant qu’entité dans les bureaux new-yorkais de W.A. Harriman & Co. appartenant à la Bank voor Handel en Scheepvaart (BHS) aux Pays-Bas, qui appartenait à Thyssen. Prescott Bush, le grand-père de George W., fut nommé vice-président de W.A. Harriman & Co. en 1926, la même année où fut créée la Vereinigte Stahlwerke avec l’aide de Dillon, Read.

Après la guerre, Fritz Thyssen déclara aux enquêteurs alliés :

« En 1930 ou 1931 (…) j’ai dit à [l’adjoint d’Hitler Rudolf] Hess (…) que j’allais arranger un crédit pour lui avec une banque hollandaise à Rotterdam, la Banque commerciale et maritime [Bank voor Handel en Scheepvaart]. J’ai organisé le crédit, (…) il devait le rembourser en trois ans. (…) J’ai choisi une banque hollandaise car dans ma position, je ne voulais pas être mêlé à des banques allemandes, et parce que je pensais qu’il valait mieux faire des affaires avec une banque hollandaise, et que je tiendrais les nazis un peu plus en mains. (…)

Le crédit se montait à 250-300.000 marks-or – à peu près la somme que j’avais donnée auparavant. Ce prêt a été remboursé en partie à la banque hollandaise, mais je crois qu’il y a encore de l’argent à recouvrer. »

Le 20 octobre 1942, en application de la loi sur le Commerce avec l’ennemi, le gouvernement américain saisit la Union Banking Corp. dont Prescott Bush était l’un des directeurs.

Friedrich Flick, le principal co-propriétaire de Vereinigte Stahlwerke avec Fritz Thyssen, finançait aussi le Parti nazi et était membre du Cercle des amis de Himmler, qui aida généreusement les SS.

En mars 1932, un représentant de DuPont en Allemagne, écrivait :

« C’est un fait bien connu en Allemagne qu’IG Farben finance Hitler. Il semble ne faire aucun doute que le Dr Schmitz au moins est personnellement un important contributeur au Parti nazi. »

Le complot contre Roosevelt

Ces mêmes réseaux qui ont mis Hitler au pouvoir et ont soutenu l’administration Cheney-Bush conspirèrent au début de 1934 pour renverser le président Roosevelt à la faveur d’un coup d’Etat militaire. Parallèlement à la montée d’Hitler en Allemagne, les DuPont commencèrent à financer l’American Liberty League and Clark’s Crusaders, qui comptait 1.250.000 membres en 1933. Pierre, Irenee et Lammot DuPont, John Jacob Raskob, ancien dirigeant du Comité national démocrate, ainsi que Alfred Sloan, de General Motors, contribuaient de leur côté financièrement à la ligue. Par ailleurs, Irenee DuPont et William Knudsen, directeur de General Motors, avec des amis de la banque Morgan, financèrent l’orchestration d’un coup d’Etat perpétré par une armée de terroristes modelée sur les Croix de feu françaises, moyennant trois millions de dollars. Les armes et munitions nécessaires auraient été fournies par Remington, une filiale de DuPont. Le complot était soutenu par Hermann Schmitz, le baron von Schröder et d’autres nazis.

Cependant, le général Smedley Butler de Pennsylvanie, pressenti pour diriger le coup d’Etat, en fut si horrifié qu’il révéla le complot aux autorités. Butler avait déclaré publiquement : « La guerre est largement une question d’argent. Les banquiers prêtent de l’argent aux pays étrangers et quand ceux-ci ne peuvent rembourser, le Président envoie les marines pour l’obtenir. Je le sais – j’ai fait partie de onze de ces expéditions. » En 1934, la Commission d’enquête du Sénat confirma « les soupçons [de Butler] selon lesquels le big business – Standard Oil, United Fruit, le trust du sucre, les grandes banques – avait été derrière la plupart des interventions militaires qu’on lui avait ordonné de conduire ».

Heureusement, ce coup d’Etat fut avorté. Etant donné le niveau de trahison et de sympathie nazie qui régnait aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, si Roosevelt n’avait pas survécu à ce complot et à d’autres, le fascisme serait très probablement sorti victorieux de la Deuxième Guerre mondiale.

La faction pro-Hitler en Angleterre

En Grande-Bretagne aussi, un puissant courant oligarchique soutint Hitler tout au long des années 30, jusqu’à défendre, en 1940, une paix négociée avec lui. The Link était une organisation britannique de sympathisants nazis haut placés, dirigée par Lord Halifax, le ministre des Affaires étrangères et futur ambassadeur aux Etats-Unis. Parmi les personnalités pro-nazies, il y avait aussi le duc de Windsor. En été 1937, le duc rencontre deux envoyés d’Hitler, Rudolf Hess et Martin Bormann, à l’hôtel Meurice à Paris, où il promet d’aider le premier à contacter le duc d’Hamilton, un homme directement lié à Himmler et à Kurt von Schröder, à la Schröder Bank et à la synarchiste Banque Worms. Hess était déterminé à forger une alliance avec la Grande-Bretagne, au point où il entreprit le vol se terminant par son parachutage dramatique sur la propriété d’Hamilton en 1941. On compte aussi, parmi les fervents sympathisants d’Hitler, Montagu Norman, de la Banque d’Angleterre et de la BRI, et Lord McGowan.

Signalons deux autres membres du cercle, Sir Samuel Hoare et Lord Beaverbrook. Le premier, en sa qualité de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères en 1935, se joignit au Premier ministre français Pierre Laval pour soutenir l’invasion de l’Ethiopie par Mussolini. Comme retombée du pacte Hoare-Laval, Hoare devra démissionner plus tard, avant d’être nommé secrétaire d’Etat du Home Office dans le gouvernement de Neville Chamberlain. Lorsque Winston Churchill arriva au pouvoir, il nomma Hoare ambassadeur dans l’Espagne de Franco, de mai 1940 à juillet 1944.

Quant à lord Beaverbrook, il accompagnait Hoare dans les négociations avec Laval concernant l’Ethiopie et soutint le roi pro-nazi Edward VIII (l’ancien duc de Windsor), lors de la crise d’abdication. En 1935, Beaverbrook rencontra personnellement Hitler et Mussolini et fut l’invité du ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, aux jeux olympiques de Munich l’année suivante. L’homme de confiance du lord, Sefton Delmer, qui dirigeait le bureau du Daily Express de Beaverbrook à Berlin, était un confident d’Hitler. Dans son reportage sur l’incendie du Reichstag, il prit à son compte la version des nazis qui devait faciliter la consolidation du pouvoir d’Hitler.

Lord Beaverbrook

 
Si une paix négociée ne fut pas conclue entre les nazis et la Grande-Bretagne, c’est parce que Churchill refusait à tout prix de laisser l’Empire britannique tomber sous la coupe d’Hitler, même s’il avait lui-même soutenu Mussolini. (Après la guerre, le commando Otto Skorzeny utilisa les lettres de Churchill à Mussolini, rédigées entre 1927 et 1944, pour exercer un chantage sur le Britannique afin d’obtenir la libération de prisonniers nazis.) Néanmoins, la détermination de Churchill de préserver l’Empire britannique jeta les bases de l’alliance américano-britannique pour poursuivre la guerre contre les puissances de l’Axe.

Les préparatifs de la Deuxième Guerre mondiale

Le renforcement du régime d’Hitler n’empêche pas les filiales américaines et britanniques des cartels allemands de consolider leurs partenariats au moment même où ces derniers, particulièrement IG Farben, commencent à préparer une guerre d’agression.

En 1936, par exemple, la Schroder Bank de New York fonde une société en commun avec les Rockefeller, la Schroder, Rockefeller and Co. Investment Bankers, qui a pour associés Avery Rockefeller, neveu de John Rockefeller, le baron Bruno von Schroder de Londres et Kurt von Schröder de la BRI et de la Gestapo de Cologne. Leurs avocats sont les frères John Foster et Allen Dulles, de Sullivan and Cromwell.

Lisez la troisième partie de cet article

yogaesoteric

27 juillet 2019 

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