Fabrication de l’illusion et voie de sortie (7)
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L’Institut international d’Esalen, ou l’université de la science humaine prédatrice
C’est en 1962 que s’est ouvert en Californie ce centre éducatif alternatif multidisciplinaire par ses fondateurs Michael Murphy et Dick Price. Il allait rapidement devenir la Mecque de l’exploration trans-personnelle propre au phénomène New Age et la source principale des thérapies psycho-corporelles, synthèse de spiritualité et de science moderne explorant l’énergie corporelle négligée ou censurée par les académies traditionnelles. Cet Institut conduit encore plus de 500 ateliers par an, organise des conférences, des programmes travail-études et des programmes expérimentaux de recherche pure. Il explore l’enseignement et les sciences qui mènent à la réalisation complète du potentiel humain. Des centaines de scientifiques, de créateurs, d’artistes et de guides spirituels y séjournent à un moment ou l’autre de leur carrière pour développer leur connaissance de la psyché. On y mène des ateliers exploratoires de pratiques thérapeutiques très novatrices ainsi que des investigations générales sur la psyché principalement avec des outils de la spiritualité traditionnelle orientale, mais aussi avec ceux des traditions chamaniques des peuples indigènes tels les Inuits ou les Dogons.
Ce que les stagiaires ignorent c’est que les fondateurs ont fait carrière dans les services secrets américains, qui dans le cadre de la Guerre Froide avaient lancé dès 1945 une large investigation planétaire de toutes les techniques existantes concernant le fonctionnement du cerveau. Ils cherchaient à former des spécialistes pointus qui puissent encadrer l’armée dans sa capacité de résistance à l’ennemi, et acquérir la capacité à faire avouer des prisonniers grâce à un ensemble d’outils « incitatifs » et discrets. Au niveau propagande politique ils développèrent dès 1950 un vaste programme international secret, aujourd’hui déclassifié, concernant la désinformation collective des masses appelé MKULTRA. C’était un véritable contrôle mental des populations aux moyens d’ondes courtes, de drogues (LSD) ou de pulvérisations chimiques aérosols. Le but était d’empêcher le public de s’intéresser à certains sujets sensibles comme les OVNI, les armes bactériologiques ou la technologie HAARP entre autres. Parmi ces cadres retraités ex-militaires se trouvait celui qui a fait le plus parler de lui jusqu’à maintenant, l’ancien marine et écrivain Ron Hubbard (1911/1986) qui a mis au point un système de dés-implantation psychique appelé Dianétique. L’œuvre de ce chercheur paramilitaire, auteur à succès de science-fiction, servira à certains de ses collègues pour instituer la fameuse Église de Scientologie. Un autre promoteur médiatique de cette grande université est le psychiatre tchèque Stan Grof, créateur d’un système thérapeutique proche du rebirth, la thérapie holotropique. En relation avec la CIA et l’armée américaine il étudia les effets du LSD sur le comportement.
C’est également dans cet Institut que le psychologue humaniste américain Abraham Maslow (1908/1970) établit sa célèbre pyramide des besoins humains, un concept reconnu mondialement. Ce schéma pyramidal présente les besoins communs aux humains dans une progression hiérarchique à cinq niveaux dont le plus élevé est la réalisation ou l’actualisation de soi. Cette dimension concerne l’inspiration à concrétiser ses capacités et talents en développant son potentiel, d’où le terme courant « développement personnel ». Plus tard Maslow a raffiné ce dernier niveau pour y incorporer une notion de transcendance. A son stade de développement ultime, la conscience s’apparente à l’éveil ou à l’illumination dont parlent de nombreuses traditions mystiques. Maslow a ainsi créé un sixième niveau qui se définit par l’aspiration à vivre des expériences de l’unité avec le cosmos et un sentiment d’amour inconditionnel envers l’humanité qui s’apparente au concept de noosphère du jésuite Theillard de Chardin.
Dans ses travaux pratiques l’université étudia des témoignages de personnes « abductées » qui disaient avoir été enlevées par des OVNI. Il y avait de même des expériences avec celles qui avaient vécu des NDE ou états de mort imminente (EMI). D’autres encore avaient eu des expériences de télépathie, de dédoublement et de décorporation. L’université jettera les bases de ce que l’on appelle aujourd’hui la connaissance canalisée multidimensionnelle ou channeling. Plusieurs techniques ont été mises au point pour provoquer volontairement ces états modifiés de conscience, états qui rappellent la transe traditionnelle : bioénergie, méditation transcendantale, chant, hypnose, danse sacrée, hutte de sudation indienne, régression dans les vies antérieures, analyse de rêves, rêve lucide ou éveillé, technique respiratoire issue du yoga, rebirth, cri primal, différents types de visualisation créatrice allant jusqu’à l’art thérapie, etc. Toutes ces techniques se retrouvent aujourd’hui dans le réseau commercialement florissant de tous les instituts dans les pays développés proposant notamment aux cadres des multinationales des méthodes de performance et de dépassement. Le principe de base est qu’il n’y a pas de succès professionnel sans une bonne connaissance de son inconscient et de l’inconscient collectif, le meilleur étant discrètement réservé à l’élite des serviteurs dévoués du haut de la pyramide.
S’il est indéniable que nombre de ces pratiques participent efficacement du développement de l’individu, elles constituent toutefois la caution humaniste d’un système de nature entropique, les praticiens s’y formant étant alors les relais manipulés du système asservisseur.
La tarologie dénaturée
Le tarot est devenu au fil du temps l’outil privilégié de nombre de praticiens de l’ésotérisme (médiums, voyants…) comme de l’énergétique à la sauce New Age (ainsi le Reiki). S’il peut apparaitre pertinent tant sa symbolique est puissante pour qui sait la décoder, il n’en demeure pas moins un outil de programmation de la psyché lorsqu’il sert de prédiction, et ce même avec les meilleures intentions du monde. Il est une intrusion énergétique liée à l’abandon de son propre pouvoir remis dans les mains d’autrui, qui plus est liée à une autre circulation énergétique, monétaire, qui signe bien l’emprise du monde de la prédation sur la conscience libérée du matérialisme limitant.
Selon l’artiste franco-chilien Alejandro Jodorowsy, qui a travaillé des années durant à reconstituer le véritable tarot de Marseille, celui des origines, et fait des lectures sans demander d’argent depuis des années déjà, le tarot n’est pas destiné à lire l’avenir. Son unique raison d’être est de mieux voir ce qui se joue en soi dans le moment présent afin de le dénouer. Tout le reste n’est au pire qu’escroquerie, au mieux guignolade. Dans son livre qui date des années 40, « La Clef des choses cachées », l’auteur Maurice Magre, dans son chapitre consacré aux Gitans, dit que la « malédiction » en termes d’ostracisme qui pèse sur ce peuple serait due au fait qu’ils font un mauvais usage du Tarot, usage prédictif, alors qu’ils détiendraient les clefs du savoir ancestral dessiné dans le tarot…
Dans la mythologie grecque, Asclépios (ou Esculape en latin) est à l’époque classique le dieu gréco-romain de la médecine. Fils d’Apollon, il meurt foudroyé par le dieu des dieux Zeus pour avoir ressuscité les morts, avant d’être placé dans le ciel sous la forme de la constellation du Serpentaire, le treizième signe (caché) du zodiaque.
Le serment d’Hippocrate
« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l’engagement suivants … » Prêté par les médecins en Occident avant de commencer à exercer, ce serment dont le texte original a été probablement rédigé au IVe siècle av. J.-C., est attribué au médecin grec Hippocrate. Il est considéré comme le texte fondateur de la déontologie médicale même s’il n’a pas de valeur juridique, les médecins étant soumis à des codes nationaux régulièrement actualisés. S’il a gardé sa valeur symbolique, la pratique est loin de correspondre au sens profond du mythe, celui d’apporter la lumière (Apollon) aux êtres humains par la maîtrise de l’énergie (le Caducée d’Asclépios) ….
Filtres spatio-temporels
Quant aux filtres spatio-temporels ils sont nombreux, se construisant à l’insu de l’individu tout en lui donnant le sentiment de leur justesse dans la représentation et le vécu de sa réalité. Ils se fabriquent de trois façons :
– Ses référents au passé, à travers les savoirs et connaissances acquis au sein des différents milieux d’apprentissage (famille, éducatif, professionnel, relationnel…), les expériences vécues (à titre individuel comme collectif), les valeurs (personnelles comme partagées), les croyances (convictions, idées reçues), l’éthique (positionnement par rapport aux règles du jeu collectif et aux règles déontologiques).
– Sa relation au présent, à partir de la perception du contexte général (environnement privé, public, professionnel), du vécu (diversité des situations constatées), des contraintes, des risques (humains, financiers…), des émotions éprouvées (enthousiasme, peur, déception, frustration…).
– Sa vision du futur, à partir des intentions visées (individuelle comme collective), des finalités recherchées, des contraintes, des objectifs et des projets.
Cette errance subjective, ballotée entre les illusions de son moi et l’identification à d’autres, conduit à déposséder la personne de son identité biologique authentique, et à dénaturer la qualité du vécu commun. Si l’esclavage institutionnel n’est plus en apparence dans les textes, l’asservissement humain demeure. Pour une authentique « libération », il faut avant tout se libérer des illusions et des pièges, et cela passe par une sérieuse réflexion sur les choix qui guident vos vies, à commencer par les idéaux que vous poursuivez. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? », enseigne la parole de la sagesse christique (Matthieu 7 :16).
« Aucun homme ne peut servir deux maîtres : car toujours il haïra l’un et aimera l’autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon. » Matthieu (6:24).
Les limites de la raison
Vous êtes toujours surpris par la réalité. Elle va toujours plus loin que ce que vous pouvons imaginer, les petits comme grands faits divers de l’actualité ne cessant de le démontrer. Le défi d’un auteur de fiction, son adversaire numéro un, c’est elle… Et comme vous êtes appelés toutes et tous à écrire et interpréter le scénario de votre vie, il est autant indispensable de partir de ce qui apparaît comme la réalité qu’il est indispensable d’aller vers la fiction, en vous éloignant pour ce faire de l’apparente raison. Car la vie est aussi bien un rapport constant et exigeant à la réalité qu’à l’imprévisible, votre spécificité biologique en en faisant par définition un événement qui ne peut en aucune façon être banal, ordinaire.
La raison se base sur trois aspects
En premier lieu, la réflexion liée à votre observation de l’apparente réalité. Cette fonction intellectuelle fait appel aux facultés cérébrales qui sont en rapport avec vos cinq sens organiques, se voulant par essence logique et tirant sa cohérence des causes identifiées et des effets constatés en découlant. Elle dépend du niveau de savoir et d’expériences de l’individu observateur qui déterminent ses capacités d’analyse. Cette réflexion ne peut évoluer pour rester cohérente qu’à l’intérieur des limites que sont les perceptions sensorielles, le niveau de savoir et d’expérience, et l’étendue des facultés cérébrales sollicitées et disponibles. Aussi ne produit-t-elle que du savoir et des expériences périssables, de valeurs ponctuelles et en général rapidement obsolètes, car liés à des apparences illusoires (les phénomènes de mode ou en vogue) et trompeuses. Elle reste constamment perfectible.
En second lieu, l’entendement humain procède d’un esprit dit objectif, un habitus social assimilable à une aliénation, qui découle des spécificités d’un peuple, d’une époque, d’un groupe social. S’il se réalise par les individus, il les forme et les marque dans le même temps de son empreinte.
En troisième lieu, compte-tenu de ces limites, il est indispensable comme incontournable de faire travailler l’imagination, et de l’entraîner comme un muscle. En effet, elle a beau être aiguë, en alerte, elle finit toujours par avoir tendance à s’assoupir. Vous êtes ainsi conduit à la réactiver constamment, pour votre bien précieux, celui de votre évolution. Et si ce n’est pas de manière consciente, vous avez un inconscient qui travaille en vous, à votre place, pour vous permettre de recevoir le monde et de l’exprimer dans sa raison d’être profonde pour ce qui vous concerne, à partir de vos prédispositions, forcément uniques. Cette faculté de réception et d’expression du courant de la vie ne demande qu’à disparaître, à s’effacer si vous ne l’utilisez pas, comme au contraire à se raidir et à se crisper si vous l’utilisez trop.
Aussi l’exercice de la raison est affaire de dosage et d’équilibre, autrement dite exercice du discernement, entre réalité du moment et imprévisibilité de demain. À chaque instant, il s’agit de vérifier la rigueur de sa logique et tenir compte du domaine de validité de sa pensée. Dès que vous raisonnez, vous mettez quelque chose en cage. C’est le propre de la croyance, qui découle de la connaissance acquise devenue savoir. C’est pourquoi la croyance est intransigeante, et de ce fait limitante : la vérité est là et n’est pas ailleurs. Or la réalité est irrationnelle, car nul ne peut arrêter le mouvement du temps, de l’histoire, de ce qui vous dépasse dans la mesure où, contrairement à vos illusions, vous n’en détenez pas la clé de fabrication. Ceux qui feront l’avenir ne peuvent être ceux qui font le présent. Il vous appartient alors d’être autant ancré à ici et maintenant qu’à être « illuminé » pour appartenir à l’avenir. Et celui-ci est toujours inattendu, sinon il ne serait pas l’avenir…
« Le grand adversaire de la vérité, ce n’est pas l’erreur, ce n’est pas le mensonge, c’est la raison. » José Bergamin, écrivain, poète, dramaturge, scénariste espagnol (1895/1983)
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yogaesoteric
21 mai 2019