L’État profond américain : Wall Street, « Big Oil » et l’attaque contre la démocratie U.S. (3)

Par Prof Peter Dale Scott et Lars Schall


Lisez la deuxième partie de cet article 



Lars Schall :
La version officielle du 9/11 est basée en très grande partie sur des témoignages sous la torture. Est-ce que ça rend leur histoire sans valeur ? Et d’ailleurs, est-ce que c’est quelque chose que trop de gens ignorent ?

Prof Peter Dale Scott
: La partie… le rapport public sur le 9/11 de la commission est seulement une petite partie du rapport global, mais la partie qui parle de ce qu’Al-Qaïda a fait, comment ils ont planifié et ainsi de suite, oui, tout provient de personnes qui ont été torturées avant de donner leur témoignage. Certains de ces témoins qui ne sont plus détenus se sont maintenant rétractés sur ce qu’ils ont dit. Ils ont retourné une personne, Abu Zubaydah ; il a avoué être une partie de la chose nommée « Al-Qaïda » alors qu’il n’en était pas du tout. C’est une direction totalement fausse, donc je pense que tous ces témoignages devraient être retirés.

Ce ne serait pas invalider l’ensemble du rapport de la commission sur le 9/11, mais seulement certains chapitres de ce dont nous parlons, sur ce qu’Al-Qaïda a fait. Oui, ces témoignages ne doivent pas être pris très au sérieux en raison de leur manque de fiabilité. Par ailleurs, vous le savez, la commission sur le 9/11 qui voulait voir les transcriptions n’a pas été autorisée à le faire ; tout de suite cela devient très suspect. On ne leur a pas dit que les gens ont été torturés et depuis, je crois que les deux coprésidents, Thomas Kean et Lee Hamilton, se sont plaints qu’ils ont été induits en erreur par la CIA.

Et donc la version officielle qui est dans le rapport de la commission sur le 9/11, c’est un peu n’importe quoi ; sa portée a été minorée, même par les coprésidents de la commission. Donc, oui, utiliser la torture pour obtenir des témoignages ne devait pas se produire en premier lieu. Ensuite, de tels témoignages n’auraient pas dû être utilisés. Enfin, ils auraient dû être francs sur les circonstances et ils ne l’ont pas été, donc dans tous les sens, c’est une honte.

LS :
Pensez-vous que l’hégémonie des États-Unis dans le monde a décliné en raison de l’action qui a suivi le 9/11 ? Par exemple, il semble que les véritables bénéficiaires de la guerre contre le terrorisme soient la Chine et la Russie.

PDS : Eh bien, laissez-moi décoder ça point par point. L’une des principales conséquences du 9/11 était l’invasion de l’Irak, et je pense qu’il n’y a presque personne qui… Tout le monde serait d’accord que la puissance américaine dans le monde et particulièrement au Moyen-Orient a été érodée en raison de l’invasion de l’Irak. Il en a résulté tout d’abord une élection, et si vous voulez la démocratie en Irak alors la majorité va se prononcer et la majorité est chiite, donc vous avez maintenant un gouvernement chiite en Irak. Et ce gouvernement est beaucoup plus amical avec l’Iran qu’il ne l’est avec les États-Unis. Beaucoup de gens pouvaient le prédire, et l’ont fait. Ce n’est pas sorcier, c’est même assez évident.

Cela a également conduit à de fortes tensions entre les États-Unis et l’Arabie saoudite. L’Arabie saoudite, historiquement – est-ce qu’elle devait l’être ou pas peut être débattu – a toujours été le meilleur allié des États-Unis dans cette région. Il y a de grandes différences, parce que l’Arabie Saoudite était ravie de voir Saddam Hussein s’en aller, mais elle ne voulait pas d’une invasion ; car elle savait que ça déstabiliserait l’Irak, et créer cette situation – je ne veux pas dire un État en faillite, je n’aime pas cette formule –, une autorité très affaiblie en Irak, c’est très dangereux pour l’Arabie saoudite. Ils ont toutes les raisons légitimes d’être en colère à propos de ce que les États-Unis ont fait en Irak, et cela a affaibli la relation de ceux-ci avec l’Arabie saoudite.

 

Zbigniew Kazimierz Brzeziński, le diable qui a poussé un Obama aveugle à la guerre

On a eu l’ensemble du Moyen-Orient : Zbigniew Brzezinski l’appelait l’arc de crise en 1978 ou 79. C’est beaucoup plus qu’un arc de crise que cela ne l’était alors à la suite de… Vous savez, je pense que l’invasion de l’Afghanistan était également une erreur, mais elle est beaucoup plus défendable que l’invasion de l’Irak, et les deux ont manifestement étendu ce que nous appelons Al-Qaïda. Maintenant parlons de forces d’Al-Qaïda, des gens qui font des choses semblables à Al-Qaïda, et il y a beaucoup de groupes et beaucoup d’entre eux sont en fait basés en Irak à la suite de l’invasion U.S. de l’Irak. Et cela se répand en Afrique, donc je ne suis pas sûr que les bénéficiaires soient vraiment la Russie et la Chine, mais plutôt l’anarchie.

Je pense que la Russie, la Chine et les États-Unis ont tous des intérêts communs à ne pas voir le terrorisme s’étendre, et je pense que la Russie a fait savoir très clairement qu’ils aimeraient collaborer avec les États-Unis en matière de terrorisme, et il y a des moments où – en particulier Obama semblait vouloir faire plus de choses en commun avec la Russie, en Syrie par exemple, où les éléments d’Al-Qaïda étaient une partie importante du problème pour la Russie comme les États-Unis.

Et puis tout à coup nous avons vu surgir la situation en Ukraine, et même sur l’Ukraine, vous pourriez vraiment critiquer ce qui est arrivé depuis le 9/11. Cela pourrait prendre plus de temps que ce que nous pouvons faire dans le temps imparti, mais la détérioration de l’entente entre la Russie et les États-Unis – et la situation en Afghanistan en fait partie – ce sont des situations compliquées, mais une chose est vraiment claire, c’est que la situation en Irak était une catastrophe et qu’elle a créé des tensions, et que si nous n’apprenons pas à faire face à ces tensions, nous sommes plus près du risque d’une guerre nucléaire que nous ne l’avons jamais été pendant les vingt ou trente dernières années, ce qui est une situation très alarmante.

LS :
Est-ce que le mouvement de la paix dans le monde n’a pas échoué, après le 9/11, dans sa protestation contre la guerre en Irak, en ne remettant pas en cause la racine de tous les maux, le récit officiel du 9/11 qui a servi de prétexte et de justification pour aller à la guerre ?

PDS : Certes, ce mouvement de protestation contre l’idée de la guerre en Irak aurait été plus puissant si nous avions compris ce qui était arrivé lors du 9/11. Je ne pense pas qu’il soit réaliste de croire que nous aurions pu en savoir assez à l’époque – vous savez, les États-Unis y sont allés en 2003 et on n’a pas eu le rapport de la commission du 9/11 avant 2004. Donc, je ne pense que cela aurait pu aider le mouvement antiguerre en 2003, mais cela pourra certainement aider les futurs mouvements.

Je pense que l’Europe intervient pour arrêter les États-Unis de devenir complètement fous. Je ne peux pas croire certaines des choses que John Kerry a déclarées. Je veux dire, quand il déclare par exemple à Poutine, après la Crimée, que l’on ne fait pas ce genre de chose au XXIe siècle. Eh bien, les États-Unis ont été l’exemple le plus visible et le plus flagrant de ce genre de comportement.

Donc, je pense que les gens qui ne sont pas dans le gouvernement doivent se mobiliser autour du monde et créer une sorte d’opinion publique mondiale qui permette de contrôler – je ne veux pas dire seulement les États-Unis, mais ceux-ci et d’autres gouvernements – quand ils commencent à faire des choses excessives. Il y a eu des cas où les gouvernements ne se souciaient pas de l’opinion publique et c’était mauvais. Nous commençons à développer une opinion publique, qui peut contraindre les gouvernements ; elle en a la possibilité et c’est bien.

Je pense que l’opinion publique, par exemple, fut un facteur important pour convaincre les entreprises U.S. de ne pas investir en Afrique du Sud. Et ce mouvement de rébellion, qui venait de l’opinion publique, a été un facteur important, et Nelson Mandela l’a dit aussi, un facteur important dans la libération de l’Afrique du Sud. Donc, il y a eu… l’opinion publique, au final, est ce qui a mis fin à la ségrégation dans le sud des États-Unis. Donc, c’est positif… Elle n’a pas réussi en Irak, mais il ne faut pas en tirer la conclusion, à partir d’une défaillance unique, que ces mouvements ne valent pas la peine d’être organisés. Ils le valent.

LS :
Avez-vous espoir que la question de ce que qui s’est réellement produit le 9/11, sera un jour sérieusement abordée ?

PDS : Eh bien, si vous voulez dire à l’initiative du gouvernement des États-Unis, peut-être pas. Mais elle est déjà sérieusement abordée par des gens qui consacrent leur vie à elle. Je ne me considère pas comme faisant partie de ce mouvement, mais il y a de telles personnes. Je pense qu’ils ont fait des découvertes très importantes, je pense que la quantité… Le fait qu’il y avait des matières explosives a été assez bien établi – dans le bâtiment 7 et dans les deux tours. Il y a eu une enquête du gouvernement sur la raison pour laquelle les tours sont tombées – elle a été menée par le NIST (National Institute of Standards and Technology) – et le NIST a été contraint de revoir ses conclusions.

Vous savez, ils ont dit que le bâtiment 7 est tombé en 5,3 secondes, et les critiques disaient qu’une partie de ce temps se passe en chute libre, et ils ont tout simplement dit que durant ces 5,3 secondes, ce n’était pas de la chute libre. Les critiques ont donc demandé une définition plus claire ce qu’ils voulaient dire, et le NIST a produit un graphique, qui montre que, en fait, oui, pendant deux ou trois secondes la chute du milieu du bâtiment était bien une chute libre. Eh bien, si le bâtiment était en chute libre, il doit y avoir eu une sorte d’explosion pour déblayer le chemin du haut de l’immeuble vers le bas : c’est aussi clair que cela.

Donc, je pense que nous avons fait des progrès significatifs ; nous pouvons en parler sérieusement quand vous forcez le gouvernement à admettre un élément comme celui-là. Eh bien, vous savez, on est en 2014, et il n’y a pas eu de réexamen de la Commission Warren, mais presque tout le monde aux États-Unis sait que la Commission Warren n’était pas la réponse. Ainsi, dans l’opinion publique je pense qu’il y aura de plus en plus d’enquêtes sérieuses.

LS :
Mais de la part de la communauté internationale, il y a une certaine pression sur les États-Unis pour se laver de ces soupçons – vous ne pensez pas que ceci puisse jamais arriver ?

PDS : Je suis un ancien diplomate. Je ne pense pas que ce soit la façon dont les gouvernements parlent aux gouvernements, non. Et je ne suis pas sûr qu’ils le doivent. Ils doivent faire face à leurs intérêts proches. Ce que nous avions besoin de voir, ce sont les gens dans le monde qui exercent ce genre de pression, et les journaux exercent ce genre de pression. Et nous avons de la chance que nous ayons d’autres pays qui parlent anglais en dehors des États-Unis, par exemple la presse britannique, qui a donné une bien meilleure présentation de ce que Glenn Greenwald a obtenu d’Edward Snowden. Et plus généralement, je pense que si un citoyen U.S. veut savoir ce qui est passe dans son pays, il devrait lire The Guardian à Londres, en Angleterre (et il peut le lire en ligne) il n’a donc aucune excuse de ne pas le faire.

Voilà le genre de chose qui peut restaurer un certain degré de bon sens dans un monde où… Je dois dire que les États-Unis sont un pays merveilleux. J’adore vivre ici. Il dispose d’un gouvernement, qui en fin de compte, je dois dire, se comporte follement. L’invasion de l’Irak était folle. Il y avait un certain nombre d’experts qui ont dit que cela fonctionnerait mal. Et quand ils ont dit que Saddam Hussein avait des armes de destruction massive, la preuve a été discréditée avant et discréditée d’une façon qu’ils ne puissent même pas l’utiliser de la manière dont ils le souhaitaient. Ces sortes de pressions de l’opinion publique sont ce que nous avons pour ramener le gouvernement U.S. à la raison.

LS :
Et comment jugez-vous sur le fait qu’il n’y avait pas eu de punition pour ce mensonge à propos de la guerre en Irak ?

PDS : Nous pourrions entrer dans le détail à ce sujet. Dans mon livre American War Machine, je montre comment une société privée a conduit une enquête d’Intelligence pour savoir s’il y avait des armes de destruction massive ou pas, et ils ont conclu que oui. SAIC était le nom de cette société. Et puis ils ont ensuite décidé, quand cela s’est révélé faux, que nous devrions savoir comment nous avions pu être si mal informés. Et à qui ils ont fait payer la facture ? À la même société, SAIC.

Je suis un peu comme cet évêque, Desmond Tutu en Afrique du Sud : je pense que nous avons besoin de la vérité et de la réconciliation ; c’est ce qui est le plus important en ce moment, plus que d’envoyer des gens en prison. Nous avons besoin de la vérité de toute urgence, je serais prêt à renoncer à mettre les gens en prison si nous pouvions obtenir la vérité. Parce que si nous avions la vérité, ce serait certainement la fin, par exemple, de l’état d’urgence qui existe encore dans ce pays – renouvelé par Obama sans discussion chaque année (il doit l’être tous les ans). Puis le Congrès ferait ce qu’il est censé faire – regarder l’état d’urgence, regarder la continuité du gouvernement. Au plus la vérité sortirait de ces choses, au plus nous retournerions à un pays comme on l’a connu, ce qui était très loin d’une situation idéale, mais beaucoup mieux que ce que nous avons avec les États-Unis.

 

Wall Street : arrogance, corruption, avidité – Ce n’est pas de la trahison, c’est la croissance des profits à court terme

LS : Est-ce que Wall Street a des intérêts au cœur même de l’État profond ?

PDS : Oui. Dans mon livre, je… la notion initiale de l’État profond concerne les institutions publiques qui ensuite sont éclipsées par la NSA, la CIA, le Pentagone et le JSOC (toutes ces nouvelles institutions secrètes) et qui est le premier niveau de l’État profond. Mais ces organismes sont puissants parce qu’ils ont des liens à l’extérieur du gouvernement ; ils ne rapportent pas seulement au Président, mais ils sont aussi (en particulier la CIA, il est facile de se documenter) très enracinés dans Wall Street, et ce mécanisme a été réellement conçu par Allen Dulles, quand il était encore un avocat de Wall Street, avant qu’il ne fasse son entrée à la CIA.

Et la CIA est aussi puissante à cause de ses liens avec Wall Street et (c’est à peu près la même chose) ses connexions aux grandes compagnies pétrolières, parce que les celles-ci étaient autrefois basées à New York, et elles fonctionnent comme un cartel qui a été défendu avec succès par Sullivan & Cromwell, qui était un cabinet d’avocats de Wall Street dont (pas par hasard) John Foster Dulles et Allen Dulles étaient des membres haut placés.

Oui, Wall Street est un maillon important. Il l’était alors, il est historiquement facile de le montrer, dans les années 1950, et je le fais dans mon livre. Il est plus difficile de le montrer maintenant, mais il y a beaucoup d’indications, je pense… L’État profond, il convient de le mentionner, est de plus en plus international, car les sociétés deviennent des multinationales. Exxon est une entreprise multinationale, et il y a des entreprises américaines, notamment Blackwater, qui est un type d’armée privée qui se transforme en divers endroits. Je crois qu’en Allemagne, votre presse a dit que Blackwater ou une de ses filiales opère en Ukraine.

LS :
Oui, cela est vrai.

PDS : Ce que nous appelons une société U.S. a techniquement son siège au Qatar, dans le golfe Persique. Donc, vous ne pouvez pas la contrôler. Comment Washington peut-il contrôler une société dont le siège est dans le golfe Persique ? Vous avez trouvé l’appareil d’un État profond supranational, et nous allons avoir besoin de créer des institutions à un niveau supranational pour faire face à ces nouveaux types de sociétés, ces entreprises peuvent susciter des troubles parce que c’est rentable.
 
 



yogaesoteric


13 février 2019

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