Réflexion : La fabrique du réel

 

Parce que c’est très facile, les médias usent et abusent de leur position dominante, pour fabriquer une réalité inexistante, qui nous sied de prendre pour vraie « puisque c’est écrit dans le journal ».

Médias français qui possède quoi ?

En 1988, Noam Chomsky et Edward Herman publiaient le livre La fabrique du consentement. Ce livre proposait une grille d’analyse des méthodes de propagandes des médias de masse et nous proposait une déconstruction magistrale du « quatrième pouvoir ».

Trente ans plus tard, leurs analyses restent toujours d’actualité et l’excellent documentaire Les nouveaux chiens de garde nous montre que cette « fabrique » est loin d’être de l’histoire ancienne. Cet article propose une réflexion complémentaire, car on ne suggère pas seulement une fabrique du consentement, qui est maintenant bien connue, mais une autre, bien plus subtil, celle du réel.

Dans sa plus large définition, le terme « média » définit un moyen de diffusion, ce moyen peut être employé de diverse manière. Par exemple, pour diffuser une information neutre à but strictement informatif, pour défendre une vision du monde, un point de vue, une idéologie, pour vendre un produit ou encore pour divertir. Ces multiples usages en font un outil à la fois subtil, car les limites entre ces différentes utilisations sont floues et à la fois puissant, puisqu’il permet d’atteindre une multitude de personnes.

Ce que la déontologie journalistique impose en termes de rigueur et de précaution sur le traitement de l’information, crée en conséquence un positionnement particulier pour celui qui reçoit cette information. En apportant aux gens ce qui est vrai, ce qui se passe réellement, ce qui est censé être objectif, cela crée un phénomène psychologique singulier.

Celui de nous créer une réalité dans laquelle nous sommes censés vivre. Un monde préfabriqué par le « vrai » et le « réel » médiatique. Car il ne s’agit pas seulement d’un moyen de fournir une information neutre et objective, mais aussi de distiller dans l’esprit des lecteurs/spectateurs/auditeurs une manière de voir le monde, un point de vue sur le monde. Ce point de vue – plus ou moins assumé – selon les médias est une manière de créer le réel.

Par conséquent, un propriétaire d’un média propose aussi sa vision du monde et défend ses intérêts par le biais de celui-ci. Quel avantage aurait-il, sinon, d’acheter un média à la vue de la faible rentabilité de ces derniers ?

En tant que média alternatif, c’est la même règle, bien que la situation soit bien différente. Seulement, contrairement à certains médias dits « dominants », celui-là préfère assumer ce rôle, car il est conscient de sa subjectivité et de son incapacité à prétendre définir le réel. Lorsqu’un média (quel qu’il soit) prétend montrer la « réalité » du monde, il use d’une manipulation conceptuelle dont l’esprit humain semble assez vulnérable. En effet, cette manière de présenter l’information et le travail journalistique sous-tend l’idée que le réel nous est montré, que la vérité nous est révélée. Cette vérité, cette réalité, prétendument disponible pour chaque citoyen, relève d’une erreur philosophique majeure. L’oubli de l’inconnu !

Les médias se proclament « contre-pouvoir ». Pourtant, la grande majorité des journaux, des radios et des chaînes de télévision appartiennent à des groupes industriels ou financiers intimement liés au pouvoir. Au sein d’un périmètre idéologique minuscule se multiplient les informations prémâchées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices et les renvois d’ascenseur.

En 1932, Paul Nizan publiait Les Chiens de garde pour dénoncer les philosophes et les écrivains de son époque qui, sous couvert de neutralité intellectuelle, s’imposaient en gardiens de l’ordre établi. Aujourd’hui, les chiens de garde, ce sont ces journalistes, éditorialistes et experts médiatiques devenus évangélistes du marché et gardiens de l’ordre social. Sur le mode sardonique, Les Nouveaux chiens de garde dressent l’état des lieux d’une presse volontiers oublieuse des valeurs de pluralisme, d’indépendance et d’objectivité qu’elle prétend incarner. Avec force et précision, le film pointe la menace croissante d’une information pervertie en marchandise.

 

 

yogaesoteric
5 janvier 2018
 

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