Choisirez-vous la liberté ?

 

Par Stacey Rudin

Dans 1984, le roman dystopique de George Orwell devenu un classique, le protagoniste Winston se demande s’il est le seul à avoir conservé un réel souvenir et s’il est le seul à douter de la narration du Parti. Il n’a aucun moyen de savoir si tous les autres croient vraiment à la version révisée de l’histoire du gouvernement, ou s’ils agissent comme si c’était le cas ; discuter de telles questions est puni d’anathème et mène à la vaporisation : vous êtes supprimé de l’histoire. Heureusement, nous n’en sommes pas encore là aux États-Unis — personne n’a encore été vaporisé.

Note du traducteur : L’explication du terme « vaporisé » dans le texte :
« Des gens disparaissaient, simplement, toujours pendant la nuit. Leurs noms étaient supprimés des registres, tout souvenir de leurs actes était effacé, leur existence était niée, puis oubliée. Ils étaient abolis, rendus au néant. Vaporisés, comme on disait. »

Personne n’a encore été « vaporisé », mais les mécanismes totalitaires décrit dans ce roman publié en 1948 sont, dans le fonctionnement de nos sociétés, aujourd’hui même, parfaitement repérables… Peut-être même plus que jamais.

Toutefois, il semble que nous soyons emprisonnés par la force de la censure sociale tout aussi sûrement que Winston l’était par la menace d’une mort instantanée. Des millions d’opposants au confinement ne feront pas connaître leur opinion, même à leur famille et à leurs amis les plus proches ; prendre publiquement position est inconcevable — ils perdraient leur statut social, leurs clients et peut-être même leur emploi. Grâce à cette dynamique, les partisans du confinement bénéficient d’une apparence de consensus majoritaire, et tout le monde obtient… plus de confinement.

Si nous parlions tous librement, le résultat serait différent. Lorsque nous décidons quelles opinions doivent être « acceptables », nous permettons à la dynamique sociale de nous contrôler. Il en résulte deux groupes distincts et malavisés : le premier groupe est constitué de personnes qui, tout en dissimulant un ressentiment latent, nourrissent des opinions secrètes et se comportent de manière factice afin de contenter les autres ; le second groupe, quant lui, est constitué de personnes qui croient que leurs opinions sont plus largement partagées et plus influentes qu’elles ne le sont en réalité. Cette fausse réalité n’est bonne pour personne. Le fait de penser détenir un soutien légitime alors que la dissidence a été réduite au silence par l’intimidation est un excellent moyen de sombrer dans le chaos intérieur.

Pour garantir la prise de bonnes décisions, les opinions doivent être exprimées librement et correctement analysées. Ce qui requiert de notre part d’avoir le courage de parler même lorsque nos opinions sont impopulaires, d’écouter même lorsque nous préférerions ne pas entendre et de cesser par réflexe de mépriser les personnes qui ne sont pas d’accord avec nous en les considérant comme intrinsèquement déséquilibrées. Ce pays s’est construit sur le débat et la liberté d’être en désaccord, sur l’équilibre des pouvoirs, sur la diversité des origines, des expériences et des points de vue. C’est en résolvant les conflits que nous obtenons la justice et que nous trouvons l’équilibre. Prétendre ne pas avoir de désaccords juste pour éviter la confrontation équivaut à renoncer lâchement à la liberté sans se battre. C’est trahir l’esprit américain.

En 1978, Alexandre Soljenitsyne, survivant du goulag, a prononcé [face aux étudiants de Harvard – NdT] un discours intitulé A World split apart [« Un monde éclaté », publié en français sous le titre Le déclin du courage – NdT], dans lequel il prédisait une crise imminente dans le monde occidental en raison de son excès de confort et de prospérité :
« […] Le courage civique a déserté non seulement le monde occidental dans son ensemble, mais également chacun des pays qui le composent […] Ce déclin du courage est particulièrement perceptible au sein des groupes dirigeants et de l’élite intellectuelle. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin ? […] Même la biologie sait cela : il n’est pas bon pour un être vivant d’être habitué à un trop grand bien-être. Aujourd’hui, le masque pernicieux du bien-être dans la vie de la société occidentale devient manifeste. […] La prochaine guerre — point nécessairement atomique, je n’y crois pas — pourrait bien enterrer la civilisation occidentale de manière définitive. »

La démocratie vit ou meurt en fonction du caractère des personnes qui la composent. Au cours des siècles passés, ceux qui se sont battus pour construire ce pays ont appris à leurs dépens la valeur de la liberté et ont transmis leur sagesse :
« Ceux qui renonceraient à la liberté essentielle, afin d’obtenir un peu de sécurité temporaire, ne méritent ni la liberté ni la sécurité. » ~ Benjamin Franklin, dans sa célèbre Réponse au Gouverneur du 11 novembre 1755 à l’Assemblée de Pennsylvanie

Nous n’avons pas tenu compte de l’avertissement. Nous avons juste volontairement sacrifié les droits constitutionnels pour lesquels ils se sont battus afin de nous soustraire à un virus dont le taux de survie est de 997 sur 1.000.

Nombreux sont ceux, troublés par la montée en puissance de la peur édifiée en vertu, à n’avoir jamais dit un mot par crainte de « paraître mauvais », dans l’espoir que quelqu’un d’autre se lèverait pour lutter contre cette absurde nouvelle conception morale selon laquelle les gens bons et travailleurs sont des meurtriers s’ils ne sacrifient pas leur vie entière et leurs moyens de subsistance pour une période indéfinie. Il est difficile de ne pas faire le lien avec l’observation de Soljenitsyne :
« Un fait incontestable est l’affaiblissement des êtres humains en Occident alors qu’en Orient ils deviennent plus fermes et plus forts […] Nous [en Orient] avons suivi une formation spirituelle [produisant] des caractères plus forts, plus profonds et plus intéressants que ceux généralement produits par le bien-être de la vie occidentale standardisée. »

Pendant un certain temps, les conséquences de notre faiblesse à relever les défis nécessaires pour former nos caractères nous ont épargnés, mais dès que le « désastre » nous frappe, il nous laisse à nu. Nous avons rencontré l’ennemi, et cet ennemi c’est nous. Nous sommes incapables de nier notre piètre et pathétique peur de souffrir et de mourir — ou, pire, notre peur de ne pas pouvoir contrôler la mort. Nous sommes habitués à avoir le contrôle. Parce que la prospérité nous a jusqu’ici protégés, nous n’avons jamais été contraints de faire face à notre vulnérabilité. Mais cette même prospérité implique désormais la formation de nos caractères. Nous allons devoir apprendre à nos dépens, tout comme nos ancêtres, que la liberté comporte ses propres exigences. Que toute « terre de liberté » doit aussi être la « maison des braves ».

Note du traducteur : « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur les choses. Ainsi la mort n’est rien de redoutable […] mais le jugement que nous portons sur la mort en la déclarant redoutable, c’est là ce qui est redoutable ». ~ Épictète

La liberté, c’est dire ce qui doit être dit

Nous devons vraiment insister sur une société où les opinions multiples, y compris les opinions politiques, sont autorisées et respectées. L’alternative, c’est la tyrannie. L’acceptation sociale au sein des milieux élitistes est plus que jamais conditionnée par un accord parfait avec le point de vue politique « libéral », même lorsque ledit parti « libéral » trahit le libéralisme en imposant à la liberté des restrictions abusives et sans fin. Participer à cette façade de consensus uniformisé n’aide aucun d’entre nous. Cela revient à concentrer notre énergie sur l’ascension sociale et l’accumulation de pouvoir plutôt que sur l’amélioration de la société. « Nous sommes tous d’accord, donc nos opposants doivent être des gens stupides et mauvais ! ATTRAPONS-les ! » L’hostilité et la victoire deviennent le seul point de mire ; la haine est à l’ordre du jour — tout cela en raison de l’absence d’une vision alternative ouvertement affirmée.

La situation est devenue si grave qu’il suffit aujourd’hui d’arborer « le bon signal » pour prouver que vous êtes une bonne personne. Mais votre voisin serait alors une mauvaise personne s’il avait le courage d’arborer le signal opposé — et vous cesseriez de lui parler. Vous pourriez dire à vos amis que vous vivez à côté d’un néo-nazi, et vous exprimeriez ensemble scepticisme, perplexité et désapprobation. Son signal pourrait être volé ou vandalisé — et vous seriez secrètement heureux que vos opinions aient « triomphé », sans jamais vous inquiéter qu’au sein d’une telle atmosphère la prochaine étape pourrait être la destruction de sa maison. (La vôtre est après tout en sécurité).

Alors que votre signal est censé signifier que vous êtes une bonne et gentille personne — « La haine n’a pas sa place ici » — il se trouve que votre équipe est celle-là même qui détruit les propriétés et étouffe les autres points de vue, et vous n’accepterez même pas votre voisin dans votre vie à moins qu’il ne convienne que vous ne pouvez jamais vous tromper. Lorsqu’une élection a lieu et que le politicien de votre voisin l’emporte, vous êtes convaincu que « son équipe » a dû tricher. Nous pouvons imaginer la suite.

Cette atmosphère à opinion unique n’est pas la liberté. C’est du fascisme, tel que défini par Madeleine Albright :
« Un fasciste est quelqu’un qui prétend parler au nom de toute une nation ou de tout un groupe, qui ne se préoccupe absolument pas des droits des autres et qui est prêt à utiliser [tous] les moyens nécessaires pour atteindre [ses] objectifs. »

Il s’agit d’une tentative d’éradication de l’individualité ; d’un attachement particulier au conformisme qui ne manquerait pas d’alarmer un libéral convaincu tel que John Stuart Mill, qui a écrit :
« L’unique raison pour laquelle le pouvoir peut légitimement être exercé sur tout membre d’une communauté civilisée, contre sa volonté, est de prévenir les préjudices à autrui. »

Le principe de Mill est un principe sur lequel on peut construire une société. Aujourd’hui, nous faisons le contraire.

La seule façon de contrer notre dynamique répressive actuelle consiste pour chacun d’entre nous à dire ce qui doit être dit, à quiconque a besoin de l’entendre, peu importe à quel point les fascistes en herbe pourraient vous détester pour avoir détruit leur supériorité de façade. L’alternative est, selon Lao Tseu, de devenir leur prisonnier : « Souciez-vous de ce que pensent les autres et vous serez toujours leur prisonnier. » Le choix vous appartient : vous trahir ou trahir la personne qui essaie de vous dominer. Le choix du premier est un symptôme de l’affaiblissement du caractère auquel fait référence Soljenitsyne ; le second est un signe de force et d’esprit de combat. Si vous n’êtes pas d’accord avec le confinement, vous devez le crier sur tous les toits — et ne jamais reculer. Si vous n’intervenez pas, vous risquez de vous retrouver bientôt dans un état autoritaire, et lorsque cela se produira, vous ne pourrez que vous en prendre à vous-même. Vous aurez volontairement troqué votre liberté contre un peu de sécurité temporaire. Vous avez renoncé à la liberté — votre bien le plus précieux — parce que vous vouliez « être aimé ».

« À partir de cet instant, faites le vœu de ne plus vous décevoir. Séparez-vous de la foule. Décidez d’être extraordinaire et faites ce que vous devez faire — maintenant. » ~ Épictète

La liberté, c’est renoncer à s’agripper au contrôle

Beaucoup pensent que la liberté revient à pouvoir faire « ce que l’on veut », quel que soit ce qui sur le moment fait du bien, et être en mesure de façonner les autres personnes selon ses propres désirs. Cependant, cette vision extérieure nous rend esclave de nos propres désirs et aversions les plus immédiats — et lorsqu’il se produit quelque chose qui nous déplaît, la frustration et la fureur dominent. La vraie liberté ne vient pas du contrôle des résultats, mais de leur acceptation [quels qu’ils soient – NdT] et de la compréhension de nos propres limites.

Les partisans du confinement n’acceptent rien : ils croient fermement pouvoir dominer ce virus, même s’il a fallu 200 ans pour éradiquer la variole, et que la grippe n’est toujours pas contrôlée, pas même avec des médicaments et des vaccins. Ils sont à ce point esclaves de leur illusion de contrôle qu’ils ont replongé dans les ténèbres, délaissant la science de l’immunité de groupe au profit de remèdes miracles (confinement, masques) et de guérisseurs (politiciens). Les stratèges du confinement savent comment exploiter ce trait ancestral : ils savaient que nous nous comporterions comme les pigeons superstitieux de Skinner.

Note du traducteur : Burrhus Frederic Skinner (1904-1990) était un psychologue, comportementaliste, inventeur et philosophe social américain. Il a fondé une école de psychologie de recherche expérimentale — l’analyse expérimentale du comportement. Skinner était surtout connu pour ses recherches sur la façon dont certains comportements peuvent être renforcés par des stimuli de conditionnement. Skinner est considéré comme un pionnier du behaviorisme moderne. Il fut également très influencé par les travaux de Pavlov.

L’une de ses expériences visait à examiner la formation de la superstition chez les pigeons : un pigeon affamé est dans une cage avec un bouton et une porte fermée. Un bol de graines est placé de l’autre côté de la porte. Comme la plupart des autres créatures vivantes, la colombe associe rapidement la pression du bouton à une récompense. Mais lorsqu’un minuteur ouvre la porte toutes les 20 secondes, la colombe commence à s’interroger : « Qu’ai-je fait pour mériter cela ? » Si elle battait des ailes au moment donné, elle continuera à le faire, convaincue que ses actions ont une influence décisive sur les événements. C’est ce que nous appelons la « superstition du pigeon ».

Avec cette expérience, Skinner a montré comment les créatures — y compris les humains — ont tendance à construire un contenu signifiant. Même lorsque la cause et l’effet n’ont pas de lien évident, nous cherchons à en créer un nous-mêmes. Les principes utilisés par Skinner pour influencer les pigeons sont similaires aux techniques utilisées par les magiciens pour tromper la perception du public.

Le pigeon croit qu’il peut contrôler la distribution automatique de nourriture ; nous croyons que nous pouvons contrôler les courbes élevées des maladies infectieuses. Il n’y a aucune différence entre les deux. Nous attribuons aux événements naturels un pouvoir — un mécanisme évolutif suffisamment développé pour être exploité, en particulier lorsque nous avons peur. Dans l’histoire, toutes les épidémies ont en fait suivi le même schéma, celui de l’immunité de groupe, et il nous est impossible de modifier ce paramètre, ni pour cette épidémie ni pour n’importe quelle autre. Se bercer d’illusions sur ce sujet nous conduit à céder notre bien-être à des « sauveurs » politiciens qui nous imposent leur autoritarisme.

Nous implorons la tyrannie et l’État policier, uniquement parce que nous sommes incapables d’accepter notre manque de contrôle sur les virus et sur les milliards d’autres personnes. Les générations précédentes considéraient ce manque de contrôle comme allant de soi. Elles n’ont jamais cédé au confinement, mais nous, et sans même un débat, c’est exactement ce que nous avons fait. Comme cette décision n’a jamais véritablement été contestée, et que nous sommes habitués à exercer des choix et à en contrôler les résultats, nous avons d’abord cru pouvoir arrêter la mort, puis revenir comme par magie à nos vies libres et ordonnées aussitôt après en avoir exprimé le souhait. En lieu et place, nous avons perdu à la fois notre sécurité et notre liberté.

« En acceptant les limites et les fatalités de la vie et en travaillant avec elles plutôt qu’en les combattant, nous devenons libres. Si, en revanche, nous succombons à nos désirs éphémères pour des choses qui ne sont pas sous notre contrôle, la liberté est perdue. » ~ Épictète

La liberté, c’est la capacité à accepter l’imperfection

Le confinement pourrait prendre fin aujourd’hui si tous les dirigeants du monde pouvaient être aussi honnêtes que ceux de la Norvège tout en gardant l’espoir d’être réélus. Voici ce qu’a déclaré le 31 mai dernier Mme Solberg, Premier ministre norvégien :
« J’ai probablement pris beaucoup de ces décisions par peur. Les pires scénarios ont dominé. »

Malheureusement, les médias sautent sur chaque suggestion d’imperfection émanant des personnalités publiques qu’ils détestent comme une confirmation qu’elles sont irrécupérables. Ils sont fondamentalement malavisés. Comme l’a dit Épictète, « l’impulsion de blâmer quelque chose ou quelqu’un est une folie, blâmer les autres ou soi-même n’apporte aucun bénéfice ». La volonté d’admettre sa propre imperfection et celles des autres est un signe de force, et non de faiblesse. Socrate savait qu’il était intelligent parce qu’il disait « je sais que je ne sais rien ». Les personnes prêtes à reconnaître l’inhérente vulnérabilité humaine prennent plus de risques et obtiennent plus de satisfactions.

Nous devrions inciter tous nos dirigeants à se comporter de la même manière en renonçant à les blâmer pour les conséquences naturelles des maladies, et nous libérer ainsi d’interminables confinements.

 

yogaesoteric
10 février 2021


 

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