La déclaration de l’OCI permet à la Russie de piloter la solution à deux États

 

Le Président turc Erdogan avait convoqué la réunion extraordinaire de l’Organisation de Coopération islamique (OCI) dans le but de trouver une unité dans la communauté musulmane internationale, aussi connue sous le nom « d’Oumma », à la suite de la provocation par Trump de reconnaître Jérusalem dans sa totalité comme capitale d’Israël. À ce moment-là, le Président des USA avait justifié son geste ultra-conservateur comme une étape nécessaire vers la paix, et malgré le traitement teinté de dérision de cette déclaration comme étant une déclaration sans vergogne et hypocrite il s’avérera peut-être qu’elle était accidentellement vraie, seulement pas dans le sens où Trump avait pu l’entendre.

En agissant ainsi, Trump a contraint l’OCI à réagir en réaffirmant de nombreuses prises de position existant chez ses membres, en reconnaissant Jérusalem-Est comme capitale de l’État de Palestine; ce qui implique l’existence d’une Jérusalem-Ouest pouvant potentiellement être la capitale d’Israël après sa reconnaissance formelle par l’Oumma, une fois la conclusion d’un accord de paix final. Ceci comporte des implications notables, car cela crée les conditions pour faire avancer le processus de paix, puisque tous les états-membres de l’OCI viennent juste de convenir d’une acceptation de la division pré-1967 de Jérusalem, antérieure à son occupation israélienne illégale et totale.

L’un des participants les plus importants de l’OCI, la République Islamique post-révolutionnaire d’Iran ne reconnaît même pas la légitimité d’Israël antérieure à 1967, qui pour rafraîchir la mémoire des lecteurs avait été fondée par des « Armes de Migration Massives » qui ont inondé la Palestine après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. La même chose est vraie, d’ailleurs, pour tous les autres états de l’OCI n’ayant pas actuellement de relations officielles avec Israël, mais l’Iran en a notablement fait un axe de sa politique régionale et une pierre angulaire de sa réputation, comme l’un des leaders du « Bloc de la Résistance ». Dorénavant, pourtant, Téhéran et les autres acceptent la partition de facto post-1947 de la Palestine et la création d’Israël qui l’a suivie.

Cette concession tacite est comprise comme étant une condition préalable essentielle à l’avancement de toute solution à deux états entre la Palestine et Israël et, ironiquement, il n’eut pas été possible pour l’Oumma de s’unifier autour du statut de Jérusalem-Est en tant que capitale de la Palestine (et, facteur important, pas de la totalité de la cité) si Trump ne les avait pas aiguillés dans ce sens à travers son geste incendiaire de reconnaissance de la totalité de Jérusalem comme capitale d’Israël. Même dans l’éventualité peu probable où celui-ci représente un « plan de maître » de la part des USA pour ré-initier le processus de paix, ce qui ne semble pas, de toute façon, avoir été sincèrement le cas, cela n’évolue certainement pas comme Washington avait pu l’escompter.

L’OCI a également déclaré dans sa déclaration que les USA ne sont plus les bienvenus pour prendre part aux négociations sur la solution à deux états à moins que Trump ne revienne sur sa décision, ce qui paraît peu probable eu égard à sa prédisposition personnelle et sa réticence à sembler céder face à quoi que ce soit en public, même s’il s’agit d’une demande formulée par un groupe de pays musulmans. Toutefois, une fenêtre d’opportunité historique s’ouvre pour la Russie afin qu’elle intercède et endosse le rôle de direction de ce processus en lieu et place [des USA], car elle entretient d’excellentes relations avec l’Oumma tout comme avec Israël.

Il ne faut pas non plus oublier que le Ministère russe des Affaires Étrangères avait déclaré, en avril 2017, qu’il allait reconnaître Jérusalem-Ouest en tant que capitale d’Israël tant que Jérusalem-Est devenait la capitale d’un futur État palestinien. Au regard de l’acceptation implicite cette formule par l’OCI, à travers sa déclaration conjointe mais sans énonciation verbale, la porte est désormais ouverte à la Russie pour remplacer la fonction étasunienne perdue dans la direction de la solution à deux états, en « équilibrant » les deux parties en lice et en les aidant à insuffler une vie nouvelle à ce processus en stagnation.

Nul ne doit s’attendre à ce que cela soit facile, et il demeure de nombreux sujets devant être réglés tels que le statut des implantations israéliennes illégales en Palestine, mais quoi qu’il en soit, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’apparent désastre imminent attendu par la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël dans sa totalité s’avère se profiler comme une occasion inattendue pour que la Russie exerce sa nouvelle influence décisive au Moyen-Orient, en prêtant sa main à la résolution de ce conflit jusque-là intraitable.

 

yogaesoteric
18 février 2018

 

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