Les couvents des sœurs Marie Madeleine en Irlande : camps d’enfermement pour les femmes impures par Laurie Rohr (2)

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Population pénale

Au début les institutions recueillaient des prostituées, dans le but de les reconvertir en leur offrant un emploi qu’elles ne pouvaient pas trouver ailleurs, la société civile leur étant complètement fermée. Seule une minorité de femmes admises dans les couvents étaient des prostituées professionnelles. Dans la société conservatrice Irlandaise du XXe siècle, la sexualité est tabou elle n’a pour seul but la reproduction dans le mariage. Elle est strictement contrôler et le fait d’avoir de relations sexuelles hors mariage est signe de perversion. Les filles mères sont les plus majoritaires dans ses institutions. Elles y ont été envoyées de force le plus souvent par leur famille, afin d’éviter un scandale. Certaines de ces femmes accouchaient dans ces institutions, les sœurs faisaient par la suite adopter les enfants. Ces mères célibataires apparaissaient comme de véritables criminelles.


A partir du moment où une femme avait eu des relations sexuelles consenties ou non étaient envoyés dans ces institutions. Les victimes de viol en faisait partie, ces femmes étaient jugées non pas comme des victimes mais comme des coupables.

Les couvents de la Madeleine se présentent aussi comme des remparts préservant de la pureté des jeunes filles. En effet certaines jugées par des prêtres « trop sensuelles » ou trop « tentatrice » ont été séquestrées.

Les laveries de la Madeleine sont une autre étape pour certaines jeunes filles issue d’écoles industrielles. Ces institutions appelées écoles industrielles ou techniques ont été créés par l’Etat irlandais en 1868 et étaient gérées par l’Eglise. De nombreux témoignages, d’anciens pensionnaires ont levé le voile sur d’y nombrable maltraitance sur les enfants de la part du clergé. Les enfants issues de cette école viennent pour la plupart des milieux le plus défavorisés d’autres étaient orphelins. Ils venaient préalablement d’institutions religieuses des Sœur de la Miséricorde et des frères Chrétiens pour les garçons.

Parfois on y trouvait également des enfants très jeunes, enfants de pensionnaires ou victimes simplement de malchance comme nous l’explique Maureen lors d’une des survivantes des blanchisseries de la Madeleine « J’avais 12 ans quand j’ai été enlevée de mon école et placée, contre ma volonté, dans la Blanchisserie Madeleine de New Ross », s’est souvenu Maureen sur le site de l’association « Magdalene Survivors Together » qui défend les victimes de ces couvents. « On m’a dit qu’on continuerait mon éducation là-bas, mais c’était faux. La journée, je travaillais à la blanchisserie. Un jour, les inspecteurs scolaires sont venus et j’ai dû me cacher sous un tunnel, je suppose que c’est parce que je n’étais pas censée travailler. Les nonnes ont détruit ma vie », a-t-elle ajouté.

Politique pénale

Justice divine

Les pénitentes n’ont pas commis de crimes ni de délit aux yeux de la loi. Cependant aux yeux de L’Eglise elles sont jugées coupables. Les juges, ses religieuses sont là pour punir ces jeunes filles « impures ». Elles subissent durant leurs séjours des maltraitances, des humiliations et des sévices corporels. Mais ça pour leur bien selon l’Eglise elles sont ainsi « rééduquées ».

Femmes perçues comme des dangers pour la société, nécessitant un enfermement

Ces filles sont condamnées par l’Eglise mais aussi par la société. En commettant le péché originel, elles désobéissent à l’Eglise. Elles représentent un danger pour les autres femmes. Mettent en évidence une société qui se veut préservatrice. L’enfermement est nécessaire à celles qui s’écartent de la norme sociale et des valeurs imposées par l’ordre public.

Pénitence par le travail


Comme dit le proverbe « l’oisiveté mère de tous les vices » les pénitentes sont donc mises au travail pour deux raisons : la première faire vivre le couvent en effet l’activité des blanchisseries est lucrative jusqu’à l’arrivée des machines à laver. La seconde est plus d’ordre religieux puisque c’est en « lavant les draps que les pénitentes lavent leurs péchés ».

Confinement

La société Irlandaise s’est rendue complice de l’enfermement de femmes et de jeunes filles dans ces blanchisseries. En effet l’Irlande pratique ce que l’on appelle « la culture du confinement » C’est un des pays du monde qui enferme le plus sa population dans des prisons des orphelinats des hôpitaux psychiatriques, et dans des couvents prisons.

Les pénitentes sont confinées dans ses couvents, travaillant des conditions difficiles dans la blanchisserie. A l’exception des religieuses elles n’ont aucun contact avec l’extérieur, elles sont coupées du monde en total autarcie. Les journées sont vouées au travail et à la prière.

Pas de réinsertion dans la société

Le but de l’Eglise n’est pas de d’aider les jeunes filles à retrouver le droit chemin au contraire elle est là pour punir. Au début le « rescue mouvement » voulait amener les filles à entrer dans les ordres. Les excluant définitivement de la société. Même si certaines jeunes femmes ont retrouvées la liberté, elles n’en gardent pas moins les stigmates de leurs passages aux blanchisseries. Avant les années 2000, les anciennes pensionnaires sont dans un profond mutisme. Il était honteux d’avoir séjournés dans les blanchisseries.

Emprisonnement

Les blanchisseries de la Madeleine se présentent comme de véritables prisons. Une fois rentré il est difficile d’y sortir. Même si il n y a pas de cellules, ni de geôliers les jeunes femmes n’en demeure pas moins enfermées. Toutes sorties et distractions sont interdites. Tout comme les criminelles elles sont rejetées par la société. Les prisonnières portent comme dans la plupart des institutions pénitenciers des uniformes identiques.

Pas de possibilités de « réduction de peine » on ne sort pas de ces établissements à moins d’être réclamées par sa famille

Quand on est envoyées de force dans les blanchisseries de la Madeleine il est quasi impossible d’y sortir à moins d’être réclamé par les familles, comme ce fut le cas de Mary Norris ancienne pensionnaire réclamée. Une personne de sa famille avait suivi sa trace et vint la chercher après deux ans d’emprisonnement.

Châtiments corporels


De nombreux témoignages, relate la violence, et l’humiliation constante et gratuite dans ces institutions. Les femmes eurent à subir de nombreux châtiments corporels. Les comportements d’auto mutilations étaient également monnaie courante. Les actes de rébellion se manifestaient par des refus d’alimentation mais ils n’avaient aucun écho, juste l’indifférence des sœurs.

Matérialité de la justice

La justice laïque n’avait pas sa place dans ces institutions

Les pénitentes pour certaines n’ont commis aucun crimes aux yeux de la loi lorsqu’elles sont envoyées aux laveries. D’autres ont commis des délits mineurs. En effet Mary Norris « s’est retrouvée dans un couvent de la Madeleine pour avoir désobéi à un ordre. Travaillant comme bonne, l’adolescente avait pris une soirée de congés alors qu’elle n’en avait pas le droit, et elle fut emmenée dans un couvent où les sœurs la firent examiner pour savoir si elle était encore vierge, ce qui était le cas ». C’était généralement après avoir commis un délit que les jeunes filles furent envoyées dans les couvents. L’impact de la punition n’en était que plus fort. Ces actions punitives montrent à quel point l’Etat était quand même lié à l’Eglise. D’où cette facilité d’enferment.

Aucun recours pour les pensionnaires

Au début du XXe siècle les femmes n’existent pas au niveau juridique, elles dépendent de leurs pères et de leurs maris. Les filles n’étaient pas libres elles étaient soumises à une autorité constante. Placé sous l’œil attentif du père. Ce souci de surveillance de bonne réputation est visible dans de nombreux proverbes : « Qui a des filles est toujours berger », nous dit Leroux de Lincy. Ou encore : « Fille oisive, à mal pensive ; fille trop en rue, tôt perdue ». On a une image du père en tant que berger très forte. C’est pourquoi lorsque qu’un père estime que sa fille à franchit malgré lui la morale, il est nécessaire pour sauver l’honneur de l’envoyer au couvent. Et lorsque que c’est un prêtre qui l’exige l’enferment on s’exécute. « Alea jacta est » le sort en est jeté pour ces jeunes filles qui parfois ne comprennent pas les raisons de leur enfermement. Elles ne peuvent bien sûr ne faire appel à aucune instance juridique. Jusqu’à récemment elles n’ont pu faire entendre leurs voix.

Pas d’intervention/ Ingérence de l’Etat

Lors du procès pour l’indemnisation des victimes une pièce à conviction fut présentée. Il s’agissait d’un livre de compte datant de 1980 avec liste les ressources et les dépenses des blanchisseries Madeleine. Cependant l’Etat n’intervenait pas les affaires traitant le sort des jeunes filles.


Les couvents de la Madeleine sont le reflet d’une société religieuse conservatrice. Tour à tour œuvre charitable et camp d’enfermement, ces institutions se présentent comme des instruments de contrôle des « mauvaises filles ». Les couvents sont les gardiens de la morale et les prisons des filles perdues. Jusqu’au milieu du XXe siècle les blanchisseries de la Madeleine sont bien intégrés dans la société, puisque le dernier ferma qu’en 1996. C’est à partir les années 2000 que les victimes sortirent de leur mutisme pour lever le voile sur les atrocités commise dans les couvents. Malgré une reconnaissance des autorités politique le Vatican refuse toujours d’admettre sa culpabilité dans les mauvais traitements infligés aux jeunes filles dans les couvents. Les blanchisseries de la Madeleine sont inscrites à jamais dans l’histoire et la mémoire de l’Irlande, le sujet reste encore aujourd’hui sensible. Une patrimonialisation de ces couvents apparait encore prématurés mais pas impossible. Car même si les anciennes pensionnaires sont âgées, leurs témoignages n’en demeure pas moins indispensables. Il ne faut pas trop attendre pour d’entamer une procédure de patrimonialisation avant que la mémoire s’efface.


yogaesoteric
7 septembre 2018

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