Les Théories de la Synchronicité (4)

Lisez la troisième partie de cet article

Là où la vision quantique de FM fait appel à la notion d’intrication quantique, la vision plus classique de PG fait appel à la notion de rétrocausalité, mais à bien y regarder, on peut arriver à joindre ces deux notions, ne s’agissant dans les deux cas que de transcender l’espace-temps. PG donne à FM l’exemple d’un système que l’on fait fonctionner à contre-sens du temps. Pour expliquer comment un verre brisé peut par exemple se reformer intact à partir de tous ses morceaux, il est nécessaire que tous ces morceaux soient corrélés, informés ou « intriqués », afin qu’ils ne suivent pas des trajectoires indépendantes qui les disperseront toujours plus, ce que PG traduit par une « loi de convergence des parties » qui a tout d’une loi d’intrication macroscopique bien concrète. En quelque sorte, le fait de rejouer le temps à l’envers a manifestement rendu inséparables les trajectoires. Mais FM a une objection à ce point de vue :

« L’intrication quantique est basée sur la notion d’état non-séparable dans lequel les propriétés physiques des parties ne sont pas définies. Or dans un verre, avant qu’il ne soit brisé, les propriétés physiques de toutes les parties sont bien définies, indépendamment de l’observateur. C’est une caractéristique de la physique “ classique ”. »

 

PG répond qu’il s’oppose à cette vision trop vite acquise de la physique classique, selon laquelle la réalité macroscopique serait toujours indépendante de l’observateur. Il avance au contraire l’indéterminisme macroscopique que son étude sur le billard met notamment en évidence, à condition de supposer qu’on vit dans un monde d’informations où aucune grandeur physique n’est infinie. Dans ce cas la réalité macroscopique pourrait être partiellement non configurée, principalement dans le futur : une intrication macroscopique serait alors nécessaire pour préserver la causalité. Quoi qu’il en soit, s’il se confirme que l’indéterminisme quantique peut se généraliser à l’échelle macroscopique en observant par exemple des flux d’intrication dans le sens du temps, à l’échelle humaine, alors il deviendra possible de concilier les notions d’intrication et de rétrocausalité dans un cadre plus général où la distinction entre le « classique » et le « quantique » s’estomperait. C’est en tout cas un bon moyen de comprendre intuitivement le concept d’intrication.

Selon FM, dont la vision de la physique classique restera à juste titre figée aussi longtemps que l’indéterminisme n’est pas généralisé à l’échelle macroscopique, il n’est pas nécessaire d’introduire une rétrocausalité qui transcenderait l’espace-temps car l’intrication quantique le fait déjà. Cependant, FM ne nie pas la possibilité d’une causalité transcendante qui prendrait racine dans le fait que l’intrication quantique pourrait être contrôlée depuis « l’extérieur » de l’espace-temps. Il cite d’ailleurs cette phrase : « Dans le monde quantique, les corrélations ont leurs propres causes, mais elles sont non réductibles aux évènements concernés, car elles sont insensibles à l’espace et au temps: elles se forment de manière a-spatiale et a-temporelle (Nicola Gisin et al, 2001) ».

Les deux visions de PG et FM commencent ainsi à se rejoindre : tous deux pensent que les racines des phénomènes de synchronicité transcendent l’espace-temps et sont contrôlées par une entité (peut-être la Conscience ou l’Inconscient) qui se situe hors de l’espace-temps.

FM ouvre ainsi la porte à une certaine métaphysique (dans laquelle la physique quantique nous fait déjà expérimentalement entrer), en déclarant que rien ne va à l’encontre l’idée de considérer la conscience comme liée à des états quantiques du cerveau. Il rappelle qu’au niveau macroscopique, on invoque l’auto-organisation qui en fait est une autre manière de dire que la dynamique neuronale « aléatoire » pourrait être contrôlée en dehors de l’espace-temps par des principes non observables, comme le libre arbitre et la conscience. L’auto-organisation du cerveau équivaudrait alors à l’auto-organisation de l’esprit (Antoine Suarez, 2008). Il cite Anton Zeilinger qui explique qu’il existe deux libertés : la première est celle de l’expérimentateur qui choisit l’instrument de mesure – cela dépend de son libre arbitre – et l’autre est celle de la nature qui donne la réponse qui lui convient. La première conditionne d’une certaine manière la seconde : il y a là une sérieuse matière à méditer. Serait-ce trop subtil pour nos philosophes qui, selon Zeilinger, ne passent pas assez de temps à réfléchir à cette propriété ?

Bien que la physique quantique soit complète selon FM et n’ait pas besoin d’ingrédient supplémentaire, comme par exemple les dimensions supplémentaires que PG soutient pour élargir son cadre, il reconnait qu’un tel élargissement du cadre matériel de la physique quantique est nécessaire afin d’inclure la conscience et plus généralement le psychisme. Or c’est justement sur cet élargissement que travaille le fameux mathématicien Alain Connes qui est d’ailleurs un ami de FM et qui propose lui-même l’ajout de dimensions supplémentaires. Son travail est très difficile à comprendre bien qu’il soit brillant et internationalement reconnu. Après avoir questionné son illustre ami au sujet des dimensions, celui-ci a répondu à FM :

« pour lui [Alain Connes] chaque point de l’espace (non commutatif) renferme une “ clé ” à six dimensions, en plus des quatre dimensions d’espace-temps. Mais, comme je te l’ai dit, ces dimensions “ spatiales ” supplémentaires sont discrètes et surtout elles ont un nombre fini de points !! »

PG fait alors le parallèle entre ces dimensions supplémentaires et une solution possible à son modèle classique de trajectoires de boules de billards qui perdent de l’information au cours du temps, lequel pourrait selon lui légitimer des données supplémentaires issues d’un nombre fini de points… mais le passage de la théorie à la modélisation numérique reste un casse-tête ardu… qui pourrait bien l’occuper jusqu’à sa retraite du CNRS.

Quoi qu’il en soit, que l’on invoque pour expliquer les coïncidences, des dimensions supplémentaires comme PG le fait, ou la circulation d’informations externes dans un système quantiquement intriqué, comme FM le fait, l’espace-temps limité à 4 dimensions paraît manifestement trop étriqué – déterministe – pour héberger la psyché, même lorsqu’on l’étend à des superpositions quantiques. Ces informations issues de la psyché interviennent sans aucun doute dans les synchronicités où les coïncidences sont assorties d’un sens et peuvent même être provoquées : la psyché introduirait donc des informations dans l’espace-temps, mais il est très difficile de comprendre comment ce processus a lieu.

 

Dans sa Théorie de la Double Causalité, PG laisse donc sans réponse la question de savoir comment la psyché interviendrait sur les lignes temporelles et en particulier sur le futur. Or la Théorie de la Psyché Quantique de FM répond à cette question en formalisant mathématiquement une entrée par laquelle des informations externes pourraient être introduites puis circuler de manière a-spatiale et a-temporelle dans notre espace-temps. C’est donc un point fort de la théorie de FM, qui ajoute cependant :

« … Un acte ou un choix effectué dans le présent (libre arbitre) peut avoir une influence dans un passé qui n’existe pas, mais dont nous prenons conscience toujours dans le présent. De même, une information peut venir d’un futur qui n’existe pas non plus, mais dont nous prenons conscience aussi toujours dans le présent ».

C’est donc par l’opération du Saint-Esprit (de la conscience dans le présent) que des informations sont apparemment introduites dans le passé, ou dans le futur. Bien que PG n’ait pas compris dans le formalisme de FM comment il parvient à se passer de dimensions supplémentaires pour intégrer cette action du psychisme humain, tous deux semblent donc en accord sur la question du temps, leurs points de vue se rejoignant ainsi à nouveau. Lorsque PG a proposé le modèle des lignes temporelles pour concevoir l’évolution non pas de façon causale, mais hors du temps, FM lui a répondu :

« J’aime bien ton image de “ déplacement d’une ligne temporelle où ce futur et ce passé n’ont pas lieu, vers une autre ligne où ils ont lieu ” car j’ai toujours pensé qu’il y avait des lignes “ temporelles ” potentielles (donc quantiques) qui selon nos choix et nos actions se rejoignent ou s’éloignent, créant ou ne créant pas la “ réalité classique ”, c’est-à-dire celle qui parvient à notre conscience. »

Or cette vision de multiples lignes temporelles avec la possibilité de basculer ou glisser de l’une à l’autre par l’intermédiaire du psychisme est une puissante base d’accord entre les deux théories. Le reste est presque une question de formalisme. Cela dit, FM insiste sur le fait que vouloir expliquer cela de manière classique ne peut être qu’une illusion, et PG rétorque qu’il ne lui apparaît pas si gênant de considérer de façon classique le multivers dans lequel tout ce qui est possible arrive. Mais l’on retombe sur les dimensions supplémentaires…

Au final, la différence de point de vue entre FM et PG provient du fait que dans la conception des choses de ce dernier, il différencie deux types de réalité :

– une réalité vécue, commune à tous et que l’on peut considérer comme classique,

– de multiples réalités potentielles, superposées ou inclues dans un multivers, non vécues et que l’on peut considérer comme quantiques.

FM considère le premier type de réalité comme illusoire (une simple projection de l’une des secondes ?) et privilégie le second type, en considérant notamment que dans ce second type de réalité, les notions de temps et de causalité disparaissent ! Il va même plus loin en rejoignant Platon, Bernard d’Espagnat et d’autres, en disant que le monde « classique » n’est que le monde des apparences. La « réalité ultime », ou le « réel voilé » (selon l’expression de d’Espagnat), est au stade actuel de la connaissance humaine le monde quantique. Pourquoi pas ?

Mais allez expliquer cela à un paysan… ou simplement à un scientifique de base. Ne vaut-il pas mieux introduire des niveaux progressifs de compréhension dans cette affaire ? A minima, la Théorie de la Double Causalité propose au moins un tel palier, en exploitant le concept bien ancré de la causalité au maximum de ses possibilités (ce qui inclut la rétrocausalité).

FM et PG ont donc finalement des points de vue plutôt complémentaires et relatifs. Ils se rejoignent sur l’essentiel : l’esprit ou la conscience ont une action hors du temps qui provoque le déplacement des lignes temporelles. FM n’attache cependant pas de réalité tangible à celle que l’on vit quotidiennement. Il considère que c’est aux gens de revoir leur vision de la réalité car selon lui, la physique quantique échappe à « l’entendement classique ». Il faut donc se mettre à « l’entendement quantique ». PG pense que le niveau quantique se construit lui-même à partir de réalités vécues et que c’est tout le sens de l’incarnation et des mémoires akashiques qu’elle crée, ce qui est probablement la clé de l’évolution atemporelle de l’univers.

On peut conclure en remarquant que FM et PG sont d’accord avec Carlo Rovelli sur le fait que l’écoulement du temps provient d’une illusion (thermodynamique) qui serait due à notre connaissance ou perception limitée de l’univers. Carlo Rovelli écrit notamment :

« J’ai beaucoup travaillé sur cette idée et sur l’idée mathématique qui la soutient ; celle-ci doit montrer comment des phénomènes typiques liés au passage du temps peuvent émerger d’un monde atemporel, lorsque nous en avons une connaissance limitée. »

Un monde atemporel ! Voilà donc un point de convergence qui bien au-delà de ces deux théories de la synchronicité, semble faire l’unanimité de tous les physiciens qui réfléchissent sérieusement à la question du temps, et qui rejoint au moins la philosophie bouddhiste. Voyez à ce sujet la page de ce site consacrée à Carlo Rovelli où l’on retrouvera cette citation, ainsi que cette citation de Bergson :

« A quoi sert le temps ?… le temps est ce qui empêche que tout soit donné d’un seul coup. Il retarde, ou plutôt il est retardement. Il doit donc être élaboration. Ne serait-il pas alors le véhicule de création et de choix ? L’existence du temps ne prouverait-elle pas qu’il y a de l’indétermination dans les choses ? »

Or que signifie « de l’indétermination dans les choses », si ce n’est la clé du libre arbitre et avec lui, celle du sens éminemment psychique du temps présent qu’une physique par trop matérialiste aura toujours du mal à cerner.

En voici la bande annonce :

 

yogaesoteric

27 octobre 2019

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