Emmanuel Swedenborg – Homme de science, homme politique, philosophe et théosophe

« Swedenborg, savant, physiologiste, ingénieur responsable d’inventions multiples, est gratifié en son âge mûr de révélations divines, dont il entend faire bénéficier l’humanité grâce à la publication des secrets qui lui ont été communiqués par les anges du Seigneur. Arcana coelestia (1741-1758) et de nombreux ouvragent exposent la chronique de ses visions, et l’économie du monde surnaturel, aussi familière à Swedenborg que le monde naturel, auquel il avait consacré son Oeconomia regni animalis (1740-1741), bréviaire d’anatomie et de physiologie scientifiques. Les oeuvres eschatologiques de Swendenborg ont connu une considérable diffusion à travers l’Europe, au point que Kantlui-même, riverain de la Baltique, s’est cru obligé de consacrer un livre à la réfutation du Suédois ( Les rêves d’un visionnaire élucidés par les rêves de la métaphysique, 1766). »

Georges Gusdorf, L’homme romantique, Paris, Payot, 1984, p. 210-211 (Les sciences humaines et la pensée occidentale XI)

 

Biographie

Né à Stockholm en 1688, mort à Londres en 1772. Il était le fils de J. Soedberg, évêque luthérien de Skara (Vestrogothie). Il se distingua d’abord dans la poésie ; à vingt ans, il publiait des Carmina miscellanea (Upsal, 1709). En même temps, il étudiait la théologie, les langues, les sciences mathématiques et les sciences naturelles ; à vingt-sept ans, il publia Le Dédale hyperboréen, ensemble de dissertations scientifiques qui fut remarqué. En 1716, Charles XII le nomma assesseur des mines ; en 1719, Ulrique-Eléonore lui conféra des lettres de noblesse, sous le nom qu’il a illustré. Cet anoblissement lui donnait une place dans les États du royaume. En 1734, parurent ses Opera philosophica et metallurgica (3 vol., in-fol.) ; en 1738, son Oeconomica regni animalis. Ses écrits sur la métallurgie sont encore estimés aujourd’hui [ à tout le moins à la fin du XIXe siècle – note de L’Enc. de l’Ag.]. Il devint membre des académies de Stockholm et de Saint-Pétersbourg. Aux travaux de la première partie de la vie de Swedenborg, mais entachés déjà de spéculations et de mysticités incompatibles avec l’esprit de la vrai science, appartiennent encore les ouvrages suivants : Prodromum principiorum, où il émit ses idées sur la doctrine atomique ; Prodromum rerum naturalium ; Prodromum philosophiae ratiocinantis.

En 1743, pendant un séjour de Swedenborg à Londres, Dieu lui révéla la mission qu’il lui confiait, et lui dit : « Je suis le Seigneur, Créateur et Rédempteur ; je t’ai choisi pour faire connaître aux hommes le sens intérieur et spirituel des Saintes-Écritures. Je te dicterai tout ce que tu devras écrire. » Swedenborg était alors âgé de cinquante-cinq ans. Dès lors, il se sentit en communication avec le monde spirituel ; non seulement il conversait avec les anges et même avec Dieu, mais il apercevait directement les choses du monde spirituel. Il les observait et les notait, pour les relater fidèlement. Elles sont exposées dans les Arcana coelestia (Londres, 1749-1757, 8 vol., in-4) et dans deux ouvrages publiés imméditament après : De coelo et inferno ex auditis et visis (1758) ; De nova Hierosolyma (1758). Autres écrits : De cultu et amore Dei (Londres, 1745, 2 vol.) ; Sapientia angelica de divino opere (1763) ; Vera christiana religio seu theologia novae Ecclesiae (1771), résumé de la doctrine de Swedenborg sur la foi.

Dans l’ensemble de l’univers, dont les savants prétendent déterminer les lois, Swedenborg enseigne qu’un immense domaine échappe à la vue restreinte de l’homme. En dehors et au-dessus du monde matériel, où se poursuivent les recherches de la science profane, il décrit un monde spirituel, qui est, comme le monde entrevu déjà par Platon, un monde des causes, et qui n’est pas moins substantiel, ni moins réel, que celui qu’on observe. Dans l’univers, dont une partie reste invisible, tout se tient ; et chaque homme est en relations avec des esprits bons ou mauvais, anges ou démons. Suivant qu’il écoute les uns ou les autres, il s’améliore ou se déprave. S’il n’a point toujours connaissance de ces relations, c’est faute d’attention ou de réflexion. L’âme humaine a la forme du corps ; elle devient de plus en plus immatérielle, à mesure que l’homme se purifie.

Le monde n’a point été créé de rien, mais il résulte d’une émanation de la substance divine, de Dieu, qui a fait de l’univers visible le dépositaire et le représentant de sa sagesse et de son amour : de sa sagesse, dans l’homme ; de son amour, dans la femme.

Le caractère des livres qui contiennent la parole de Dieu est de renfermer, sous l’enveloppe de la signification littérale, un sens spirituel, accessible seulement aux régénérés. La lettre reflète les opinions particulières et les erreurs des époques où elle a été écrite, mais l’inspiration divine qui a présidé à la rédaction des livres, a inséré sous cette grossière enveloppe une révélation continue sur les sujets relatifs au développement de l’être spirituel et moral, soit comme individu, soit comme Église. Le but principal des Arcana caelestia est d’exposer le sens spirituel de la Genèse et de l’Exode.

Dieu est amour et sagesse. Sa providence veille sur toutes ses créatures. Pendant leur existence terrestre, il les entoure de tout ce qui peut préparer pour elles la meilleure éternité ; mais il s’abstient de violer leur liberté. Il ne damne aucune d’elles, et il cherche jusque dans l’enfer à adoucir le sort qu’elles se sont fait. Toutefois, les lois de l’ordre divin ne permettent l’entrée du ciel qu’à l’âme repentante et plus ou moins accessible à l’influence céleste. Le germe du salut peut se développer dans l’autre vie ; mais si l’homme est confirmé dans le mal, au moment où se termine son épreuve terrestre, le séjour du ciel serait pour lui une cause d’indicibles tortures.

Dieu est descendu sur la terre, en la personne du Sauveur. Il a pris dans le sein d’une vierge une humanité pécheresse ; et toute sa carrière a eu pour but de purifier cette humanité, en remplaçant les éléments mondains par une humanité glorifiée. Les tentations qu’il a subies, et dont il a toujours triomphé, ont été le moyen ordinaire de cette purification ; mais le plus grand et le dernier a été le supplice de la croix. La mort de Jésus n’est point une expiation ; elle est, au contraire, le triomphe définitif de la lumière sur les ténèbres, et l’écrasement de la puissance du mal. Dans cet ordre d’idées, la foi n’est plus cette immolation de la raison humaine devant l’incompréhensible, dont on a voulu faire le centre de la religion. C’est un état de croyance basé sur l’amour, qui porte l’âme vers un sauveur accessible à sa pensée et à ses sentiments.

Swedenborg ne rompit jamais les liens extérieurs qui l’attachaient à l’Église luthérienne, à laquelle il appartenait par sa naissance. Tout en tenant des réunions chez lui, il resta membre de cette Église, conservant les deux sacrements : baptême et sainte Cène, et n’innovant en rien pour le culte et les cérémonies. Pour les termes et même, jusqu’à un certain point, pour le fond, sa doctrine pouvait s’accommoder avec les professions de foi officielles, puisqu’elle enseigne comme elles, l’inspiration de la Bible, la déchéance résultant du péché, la divinité de Jésus-Christ et l’action de Dieu sur les âmes, par le Saint-Esprit. Ce qui constitue le caractère le plus distinctif de ses conceptions, de ses révélations, c’est l’interprétation divergente donnée aux doctrines reçues, et les vues très particulières, très personnelles, ses visions sur le monde, sur les rapports de Dieu avec le monde, sur les anges, sur les bons et sur les mauvais esprits.

Quoique Swedenborg n’ait jamais fait acte de chef de secte, il avait prédit la formation d’une Église nouvelle, composée de ceux qui accepteraient intérieurement ses principales doctrines. En fait, il est jusqu’à aujourd’hui le seul des théosophes dont l’action ait été assez puissante et assez populaire pour produire des communautés religieuses se recommandant de son nom. Dès 1647, il s’était démis de toutes ses fonctions officielles ; il se retira avec une demi-pension, refusa tous les honneurs nouveaux qui lui furent offerts, et séjourna tour à tour à Londres, où il avait de nombreux disciples ; à Amsterdam, où il publia plusieurs écrits ; à Stockholm, où il avait des amis dévoués et puissants, parmi lesquels le duc de Södermanland et le prince qui devint Charles XIII. Ses qualités de cœur et d’esprit, le charme et la noblesse de sa personne, et la haute position de ses protecteurs le défendirent contre les attaques qu’une partie du clergé aurait voulu diriger contre lui. En Suède, ses disciples, tout en demeurant dans l’Église luthérienne, instituèrent des agrégations swedenborgiennes. En Angleterre, le succès fut plus grand encore, favorisé par l’approbation de hauts dignitaires ecclésiastiques. Les livres se vendirent par centaines de mille ; et les adhérents se comptèrent par milliers. Ils donnèrent le nom d’Église de la Nouvelle Jérusalem à l’édifice spirituel formé par leur accession à la doctrine de Swedenborg. En 1788, c’est-à-dire seize années après la mort du théosophe vénéré, une première chapelle fut construite à Great Eastcheap (Londres). Il y en a aujourd’hui dans plus de cinquante villes [ à la fin du XIXe siècle – note de L’Enc. de l’Ag.], les principales du royaume, avec écoles, sociétés de missionnaires et sociétés des livres religieux.

Situation à la fin du XIXe siècle : Aux Etats-Unis, soixante-dix congrégations. On en trouve aussi aux Indes, dans l’Afrique du Sud, dans le Wurtemberg, où la doctrine de Swedenborg trouva un zélateur ardent et puissant, chez Tafel, bibliothécaire de l’université de Tubingue ; en Hollande, et même en France, où l’Église de la Nouvelle Jérusalem possède une chapelle à Paris, rue Thouin. Dans l’ensemble des pays où elle est établie, elle a plus de dix journaux et plusieurs séminaires…
 

yogaesoteric

28 mars 2019

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