La « porte des Enfers » existait vraiment… et elle fonctionne toujours !

 

Pour les Romains, la porte des Enfers était bien plus qu’un terme figuratif ; c’était un lieu physique. Ils y pratiquaient des sacrifices aux apparences surnaturelles, lors desquels des animaux aussi gros que des bœufs mouraient sans intervention visible. Toutefois, loin d’abriter une force maléfique, ces portes cachaient un secret… scientifique.



Ruines de l’ancienne Hiérapolis, dans l’actuelle Turquie

Les mythes entourant les dieux des panthéons grecs ou romains faisaient partie intégrante du quotidien au temps de l’Antiquité. Chaque divinité avait au moins un temple qui lui était exclusivement dédié et les pèlerins s’y rendaient pour déposer des offrandes ou pour faire des sacrifices afin d’en obtenir les bonnes grâces.

Chaque lieu avait des rituels particuliers. L’un des rites les plus mystérieux se déroulait dans le Plutonium, le sanctuaire dédié à Pluton, le dieu romain des enfers, aussi connu sous le nom d’Hadès chez les Grecs.

Plusieurs textes anciens décrivaient ces sanctuaires comme possédant une porte vers les enfers, où des prêtres castrés procédaient à des sacrifices « surnaturels ».

Des animaux, de l’oiseau jusqu’au bœuf, mouraient sans cause apparente quand on les amenait devant ces portes, alors que les prêtres restaient debout. Ce « miracle » était, à l’époque, attribué à leur dévouement et à leur statut d’eunuques.

L’un de ces temples a été découvert en 2011, en Turquie, lors d’une expédition archéologique italienne. Non seulement les chercheurs ont retrouvé la fameuse porte des Enfers, mais étonnamment, elle semblait toujours « fonctionnelle ». Au cours de l’excavation, plusieurs oiseaux y ont été retrouvés morts.

Loin de confirmer des causes paranormales, une étude publiée dans la revue Archaeological and Anthropological Sciences révèle plutôt que les Romains étaient d’habiles manipulateurs qui maîtrisaient autant l’art du spectacle que celui de la construction.



Reconstitution du sanctuaire de Pluton à Hiérapolis. La porte des Enfers se situe dans le mur, sous les bancs de pierre.

Le poison des profondeurs

Le sanctuaire de Pluton se trouvait à Hiérapolis, une station thermale construite au 2e siècle avant notre ère. C’est aujourd’hui la ville de Pamukkale en Turquie, un site naturel riche en sources d’eau chaude. La région entière se trouve au-dessus d’une des multiples lignes de faille, entre les plaques tectoniques qui traversent la Turquie.

Ce genre d’activité géologique, en plus de produire beaucoup de chaleur, libère aussi des gaz volcaniques très dangereux. Et le sanctuaire de Pluton est situé directement au-dessus d’une de ces failles.

Le lieu était construit pour que des spectateurs puissent assister aux sacrifices. Il était formé d’une toute petite arène rectangulaire dont le centre était plus enfoncé dans le sol, comme une piscine. La porte des Enfers était située à l’une des extrémités, directement sous des rangées de spectateurs, et menait à une caverne volcanique.

À l’aide de sondes, les archéologues qui étudiaient l’entrée de cette caverne ont mesuré que le taux de CO2 dans l’air y atteignait un spectaculaire 91 %.

En comparaison, l’air que nous respirons est composé à 78 % d’azote et à 21 % d’oxygène. D’autres gaz forment le 1 % restant, parmi lesquels on retrouve 0,04 % de CO2.

Tout mammifère commencera à avoir du mal à respirer si la concentration de gaz carbonique dans l’air atteint un taux variant entre 3 % et 5 %. Entre 8 % et 10 %, c’est l’évanouissement, et de 15 % à 20 %, la mort assurée.

Retenez votre souffle…

La caverne était donc mortelle, mais le centre de l’arène avait des caractéristiques étonnantes. Le CO2 étant 1,5 fois plus lourd que l’air, ce gaz formait une sorte de lac invisible près du sol, car il n’y avait pas de vent ni de chaleur pour le dissiper.

Les chercheurs ont mesuré que, juste avant l’aube, moment où les récits historiques situent les rituels, le taux de CO2 à 40 cm du sol est à 35 %. Plus on monte, plus la concentration diminue jusqu’à redevenir normale au-dessus d’un mètre. Par contre, ce lac de CO2 est rapidement dissipé par la chaleur du jour ou lors d’une journée venteuse. Il n’y a alors aucun risque à se trouver dans l’arène.

Les animaux sacrifiés, dont le museau est plus bas que la bouche d’un humain adulte, étaient exposés au gaz carbonique et inclinaient progressivement la tête jusqu’à mourir asphyxiés.

Les prêtres, plus grands, étaient protégés. Parfois, ils grimpaient aussi sur des rochers pour accomplir leur rituel.

Pour les chercheurs, les prêtres devaient être au courant de certaines des propriétés du gaz et connaissaient les moments précis où les sacrifices étaient possibles. Il est aussi probable qu’ils retenaient simplement leur souffle pendant de courts moments, par exemple quand ils entraient dans la caverne.

Grâce à leur secret, ils étaient vus comme des élus des dieux.

 

yogaesoteric
5 juin 2018

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